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Le tribunal annule l’autorisation de construire une route, terminée depuis un an : "il faut que l’on arrête ces constructions inutiles"
#biodiversite #urgenceclimatique #betonnage #tribunalAdministratif #LPO #Amiens
Article mis en ligne le 13 avril 2024
dernière modification le 11 avril 2024

Le tribunal administratif d’Amiens a annulé la dérogation qui autorisait la construction d’une route à Pont-Sainte-Maxence. Problème : la route est déjà construite. Mais les associations de protection de la nature n’entendent pas en rester là.

La justice a finalement donné raison aux opposants au projet le 11 mars 2024. La dérogation préfectorale grâce à laquelle la route a pu être construite, au détriment d’un bois abritant plus de 45 espèces protégées, est annulée. Sauf que la route est là et que dans le bois, la biodiversité s’effondre déjà.

"Mettre la justice devant le fait accompli" (...)

Désengorger le centre de Pont-Sainte-Maxence de ses éternels bouchons, désenclaver le quartier des Terriers avant une opération de rénovation, faciliter l’accès des secours : autant d’arguments présentés par la mairie pour justifier d’une "raison impérative d’intérêt public majeure" à construire cette rue de Felgueiras. (...)

En effet, pour mener ces travaux, il faut détruire 2,4 hectares de bois préservé depuis cinquante ans, ce qui va à l’encontre du Code de l’environnement. Une dérogation de la préfecture de l’Oise est donc nécessaire. Cette dérogation a été accordée le 27 octobre 2021. (...)

Immédiatement, la LPO tente d’empêcher les travaux en déposant une demande de référé-suspension au tribunal administratif d’Amiens. Cette procédure permet de suspendre l’exécution d’une décision administrative (ici, la dérogation de la préfecture), sur décision d’un juge. Sauf que la municipalité a pris la justice de vitesse. (...)

Le tribunal souligne la légèreté du dossier

Il aura donc fallu trois ans pour que le tribunal administratif rende sa décision sur le fond du dossier. Le jugement est limpide : "aucune raison impérative d’intérêt public majeur (...) ne justifie la dérogation accordée à la commune de Pont-Sainte-Maxence". La dérogation préfectorale de 2021 est donc annulée.

Le paragraphe suivant indique que l’administration n’a pas suffisamment étudié les solutions alternatives, une étape pourtant obligatoire (...)

Le tribunal administratif condamne l’État à verser 1 500 € à la LPO. L’association attend de voir si l’État fait appel de la décision du tribunal avant de préciser sa stratégie, mais "la LPO nationale étudie le dossier, on va faire en sorte de ne pas en rester là" assure Grégory Brouilliard. (...)

Pour la LPO, l’enjeu est de faire évoluer les mentalités. "Il ne faut pas oublier qu’en 40 ans, on a perdu 70% des espèces animales sur terre, rappelle Grégory Brouilliard. On parle d’effondrement de la biodiversité tous les jours aux actualités, c’est un sujet extrêmement important. On rase 2,5 hectares de forêt dans une zone d’intérêt faunistique, floristique, une zone natura 2000 et on devrait l’accepter ? Non, il faut que l’on arrête ces constructions inutiles. C’est un projet qui était dans les cartons depuis déjà 30 ans et qui aujourd’hui n’a aucune utilité, on l’a démontré au tribunal. Il faut changer les méthodes, aujourd’hui, on ne peut plus continuer comme ça."

Un avis partagé par les habitants du quartier qui s’étaient opposés à cette route. Toutes proportions gardées, ils ne peuvent pas s’empêcher de penser à la polémique de l’autoroute A69, déclarée d’utilité publique en 2018. (...)

Des mesures compensatoires critiquées (...)

pour les défenseurs de l’environnement, ces mesures ont été mal exécutées. "On est plutôt dans l’ordre du catastrophisme, regrette Grégory Brouilliard. Sur les hectares de forêt qui devaient être replantés, ça n’a pas été fait. Le passage à écureuil n’est pas fonctionnel. Il y a des crapauducs, nous avons vérifié, qui ne sont pas empruntés par les crapauds." (...)

L’effondrement en cours (...)

"Cet été, on a remarqué que tous les hêtres en bordure de route sont en train de dessécher, regrette Bernard Bultel. Le hêtre a besoin de vivre en forêt, ce n’est pas un arbre de bordure, le soleil lui est fatal. Ces arbres vont crever et s’ils crèvent, il va y avoir un enchaînement, les arbres derrières vont dessécher aussi, ça va faire un effet boule de neige. Cette route n’est pas une construction, c’est une destruction."

Dans un rapport publié en 2023, l’Observatoire national de biodiversité constate que "les principales pressions n’ont pas été réduites significativement en France, et se sont, pour certaines, intensifiées pendant la dernière décennie. Il s’agit de la destruction et la fragmentation des habitats naturels, menace la plus importante, qui concerne tous les milieux."

Au niveau national, la population d’oiseaux a diminué d’un quart depuis 1989 (...)

À Pont-Sainte-Maxence comme ailleurs, les lois sur l’environnement adoptées ces dernières décennies ne suffisent pas encore à inverser cette tendance.