
C’est une petite avancée vers la légalisation, attendue de longue date, de l’aide à mourir pour les malades en fin de vie. Vendredi 2 mai, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a adopté, sans guère la modifier, la « proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir » dont le processus législatif avait été interrompu depuis la dissolution l’an dernier.
Le texte a été adopté à 28 voix contre 15 et une abstention, signe que des désaccords persistent, notamment du côté du parti Les Républicains (LR) et du Rassemblement national (RN), où les oppositions se sont le plus fermement exprimées. À l’inverse, la proposition de loi sur les soins palliatifs qui composait l’autre partie du texte initialement présenté en mars 2024 par Emmanuel Macron, et que François Bayrou a depuis scindé en deux, avait recueilli le 11 avril, dans la même enceinte, l’unanimité des voix.
Les deux textes, qui ont pour ambition de répondre à une question fondamentale de société et de fournir un cadre à des actes médicaux déjà pratiqués depuis des années, seront examinés par l’ensemble des député·es à partir du 12 mai. Les débats sont prévus sur une quinzaine de jours, pour aboutir à deux votes solennels à la fin du mois. (...)
En commission, le texte introduisant pour tout·e malade incurable le droit de disposer d’une aide à mourir, porté par Olivier Falorni (apparenté au groupe MoDem), a été modifié à la marge : seuls 68 amendements ont été adoptés, sur les plus de 1 100 déposés. De nombreux amendements présentés par LR et le RN ont été rejetés par le bloc central, tout comme les propositions des élu·es de gauche qui souhaitaient aller plus loin.
Définition de la phase avancée
La partie cruciale de la loi se niche dans l’article 4, qui définit les cinq critères pour avoir droit à cette aide à mourir. La personne qui la demande doit être majeure, être de nationalité française ou résidente en France, « être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée », « être atteinte d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale », et « présenter une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsque celle‑ci a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement ».
Les mots, ici, font débat depuis longtemps. Comment délimiter la « phase avancée » d’une maladie ? (...)
la version adoptée en commission inclut potentiellement plus de malades, notamment celles et ceux atteints de pathologies neurodégénératives, comme la maladie de Charcot, ou d’affections chroniques, comme le cancer.
Sur ce point, la Haute Autorité de santé (HAS), dont l’avis sur la proposition de loi doit être rendu la semaine prochaine – La Croix en révèle ce samedi les grandes lignes –, est très claire : « Il n’existe pas de consensus médical sur la définition du pronostic vital engagé à “moyen terme”, ni sur la notion de “phase avancée” lorsqu’elle est envisagée dans une approche individuelle de pronostic temporel », conclut la HAS, d’après les informations du journal catholique. En clair, il sera impossible de prédire le temps qu’il reste à vivre au malade et de fournir des critères objectifs sur ce point. (...)
D’après La Croix, il met également l’accent, dans ses conclusions, sur « l’importance d’un processus d’accompagnement et de délibération collective » entre le ou la patiente et l’équipe soignante pour évaluer la demande d’aide à mourir.
Or, dans le texte tel qu’il ressort de la commission des affaires sociales, la décision d’accéder au souhait du malade est prise par un seul médecin et ne relève pas d’un avis collégial – contrairement à des amendements qui avaient été déposés en ce sens.
Autre modification notable par rapport au texte initial : le choix entre auto-administration (suicide assisté) et recours à une tierce personne (euthanasie) pour l’absorption de la substance létale revient au ou à la malade. Dans le texte initial, le recours à une tierce personne n’était possible que lorsque le ou la patiente n’était « pas en mesure physiquement d’y procéder ». Mais les mots « euthanasie » et « suicide assisté », eux, restent absents du texte.
Sur les délais de la procédure, rien n’a changé par rapport à la mouture initiale : un médecin a quinze jours au plus pour se prononcer sur une demande d’« aide à mourir ». Et le ou la patiente doit prendre minimum deux jours de réflexion pour confirmer sa demande après cette validation médicale.
Un geste de liberté
Ce « droit à l’aide à mourir » correspond à une demande sociétale qui ne souffre aucune ambiguïté, estime le député Olivier Falorni. « Contrairement aux lois sur l’IVG [interruption volontaire de grossesse], la peine de mort, le mariage pour tous ou la PMA [procréation médicalement assistée], qui ont marqué des clivages profonds, les Français sont dans leur immense majorité en faveur d’une loi pour l’aide active à mourir », avait-il dit lors d’un débat organisé par Mediapart. La convention citoyenne sur le sujet avait d’ailleurs abouti au même résultat : 75 % des citoyen·nes mobilisé·e s’étaient déclaré·es en faveur de l’ouverture d’une aide active à mourir. « Ne pas répondre à une telle demande sociétale serait ainsi affaiblir un peu plus notre démocratie », disait encore celui qui est rapporteur de la loi.
La France est loin d’être à la pointe sur ce sujet. Dans le monde, de nombreux pays ont d’ores et déjà légiféré, parmi lesquels les Pays-Bas, qui affichent la position la plus libérale. (...)
Si la loi française est adoptée, elle permettra d’avoir enfin un cadre pour des actes qui se pratiquent en réalité depuis longtemps dans les hôpitaux et évitera à de nombreuses personnes de devoir se rendre à l’étranger. (...)
« On est beaucoup à l’avoir fait. Quand il y a du dialogue, des demandes anticipées et réitérées, et des directives bien écrites du patient, ainsi que l’accord de la famille et la collégialité de toutes et tous les soignants, je pense qu’on a tous les moyens d’accéder à ce souhait. Quand toutes les conditions sont réunies, cela ne me pose plus de problème philosophique. » (...)