
Dans la grande bataille pour l’hégémonie culturelle, il ne suffit pas de dénoncer les idées et les valeurs de l’extrême droite, il faut aussi faire valoir les nôtres. Alors on le répète : vive l’immigration ! Et vive les étrangers, vive les brûleuses de frontières et les passe-murailles...
Vive l’immigration ! Oui, vous avez bien lu. Par les temps bruns qui courent, ce qui devrait être un fondamental pour toute personne vaguement de gauche, paraît presque comme un énoncé blasphématoire. Ça ne se dit pas. Alors on le répète, pour enfoncer le gnou : vive l’immigration ! Et puis vive les étrangers, vive les brûleuses de frontières et les passe-murailles ! D’où qu’ils viennent, de l’Afghanistan à l’Algérie en passant par les Comores ou l’Ukraine, les exilé·es sont les bienvenu·es. Punto. « Chez nous », c’est chez eux. Rappel : on parle d’êtres humains. La voilà leur légitimité à vivre dans ce pays. Ça n’est pas plus compliqué que ça.
Et pourtant toute la journée, ça dégueule… les Bayrou (« submersion » migratoire), les Retailleau (« Ce sont des musulmans, ils sont noirs »), les Darmanin, les Ciotti, les Le Pen et compagnie. Jour après jour, ils vont plus loin dans le racisme, la xénophobie et la haine pure, désormais enhardis par les dingueries étatsuniennes de Donald Trump. Une course sans fin vers l’abîme : chaque fois qu’on jette un œil à l’actualité, on subit le triomphe de ce discours nauséabond. Un pur cauchemar. Qui nous plombe.
Alors, pour ce numéro de CQFD, on s’est dit : basta ! Safi ! Pour une fois, on va arrêter de répertorier les outrances fascistes du camp d’en face, pour faire de la place à des contre-discours, positifs et offensifs. On en est persuadé·es : dans la grande bataille pour l’hégémonie culturelle, il ne suffit pas de dénoncer les idées et les valeurs de l’extrême droite, il faut aussi faire valoir les nôtres. Les groupes humains ont toujours été traversés de cultures diverses. Nier les mélanges, bloquer les mouvements, c’est s’enfermer dans une lecture de l’histoire à la bêtise consternante.
C’est pourquoi, ce mois-ci, nous donnons la parole à des femmes et des hommes qui croient encore à l’humanité et à l’égalité, sans discriminations basées sur la nationalité, l’origine supposée ou la religion. Nous avons voulu relayer des propos qui fassent du bien. À nous, qui écrivons dans ce canard. À vous, lecteurs et lectrices. Et à toutes les cibles des attaques réactionnaires et racistes.
(...)
Alors on le répète : vive la liberté de circulation et tout ce qui permet de l’exercer ; vive les mariages « blancs » et les mariages d’amour1, vive le regroupement familial, vive le droit du sol, vive la liberté de se vêtir comme on l’entend, en classe comme au club de sport2.
Naïf ? Trop évident ? Peut-être un chouïa. Et pourtant, dans l’écosystème médiatique français de l’an 2025, on ne lit ça nulle part. Alors ça nous fait plaisir d’imaginer que dans les magasins Relay des gares SNCF, les voyageurs et voyageuses pourront peut-être apercevoir ce message quelque part entre les vomis du Point et de Valeurs actuelles.
Qui sait ? La « une » de ce numéro vaudra peut-être à la rédaction de CQFD de figurer dans le prochain hors-série de Frontières, abominable magazine d’extrême droite qui vient de livrer à la vindicte de ses lecteur·ices une liste des « coupables de l’invasion migratoire ». Dans le lot, des noms d’avocat·es en droit des étrangers qui se retrouvent accusé·es d’utiliser le droit pour « faire plier la France »3. À ces avocat·es-là, on dit plutôt merci pour leur boulot. Et à tou·tes les militant·es de France et d’ailleurs qui se battent pour la liberté de circulation : respect.
Vive les migrations, nique les frontières – et nique le magazine Frontières.
(...)