
Face à la dématérialisation de l’apprentissage du français pour les personnes étrangères, La Cimade, le Secours Catholique-Caritas France et la Fédération des Centres sociaux et Socioculturels saisissent la justice. La journée internationale de l’alphabétisation du 8 septembre sera l’occasion d’une mobilisation partout en France.
Depuis le 1er juillet 2025, la majorité des cours de français prescrits par l’Office Français de I’Immigration et de l’Intégration (OFII) aux personnes étrangères en situation régulière désirant s’établir durablement sur le territoire français ne sont plus dispensés par des enseignants dans des salles de classe, mais sont entièrement dématérialisés via une plateforme numérique où les exercices seront corrigés exclusivement par l’intelligence artificielle. Les chercheurs s’indignent de ce « choix fait par l’OFII, déconnecté des réalités de terrain« 1 car il met de côté les personnes ne disposant pas de moyens techniques (ordinateur ou connexion internet), des compétences numériques, des capacités d’apprentissage en autonomie, de temps ou simplement d’espace adapté.
Cette dégradation sans précédent du service public de l’accueil et de l’intégration des personnes étrangères intervient alors que les derniers décrets de la loi asile et immigration prévoient, à partir du 1er janvier 2026, de réhausser les exigences en français pour obtenir un titre de séjour durable ainsi que la naturalisation. Désormais, il sera exigé pour l’obtention de la carte de séjour pluriannuelle un diplôme de niveau A2 dit intermédiaire (niveau attendu en LV1 au collège), un niveau B1 dit avancé (niveau attendu en LV1 au lycée) pour la carte de résident et un niveau B2 dit indépendant (niveau de français exigé aux personnes étrangères pour rentrer à l’université) pour la demande de naturalisation.
Selon une correctrice habilitée TCF (Test de Connaissance du Français) dans les Hauts-de-Seine, ce désengagement de l’Etat “discriminera de nombreuses personnes et parmi elles, ceux […] et celles qui travaillent dur mais souvent sans pratiquer la langue et rentrent épuisés le soir. »
D’une main, l’État durcit les exigences de maîtrise du français, de l’autre, il dégrade les conditions pour les atteindre. Une seule logique : réduire le nombre de titres de séjour.
Une action en justice engagée contre l’Etat
Parce que l’apprentissage d’une langue ne doit pas se faire sans la rencontre humaine, au sein du collectif « Le français pour toutes et tous », trois organisations (La Cimade, le Secours Catholique-Caritas France et la Fédération des Centres sociaux et Socioculturels, avec l’expertise du collectif de juristes Intérêt à agir ont décidé de saisir la justice le 29 août pour contester le choix arbitraire de l’OFII de dématérialiser la quasi-totalité de l’offre de formation proposée aux personnes étrangères. Cette évolution administrative a été faite en violation des principes juridiques d’égalité, de continuité, d’accessibilité et d’adaptabilité et ceci, sans même que ce changement n’ait été discuté devant le Parlement lors de l’examen de la loi. Il est demandé au Tribunal administratif de Paris de suspendre d’urgence l’exécution des marchés publics passés par l’OFII en début d’année.
Une mobilisation sans précédent pour défendre l’apprentissage du français
Le collectif « Le français pour toutes et tous » appelle toute personne engagée dans l’apprentissage du français, ainsi que les personnes étrangères elles-mêmes, à se mobiliser le lundi 8 septembre, journée internationale de l’alphabétisation, pour dénoncer la dégradation de l’accès au français pour les personnes étrangères et demander le retrait du projet de formation linguistique 100% en ligne.
Programme du 8 septembre :
- En visioconférence, à 10h, une table ronde « Mobilisation pour un accès au français pour toutes et tous ! » lancera la journée avec l’interventions d’élus, de chercheurs et d’acteurs locaux et européens. La table ronde sera disponible en replay sur le site du collectif.
- Dans une vingtaine de villes, cette journée continuera à travers des mobilisations autour de débats, rencontres et manifestations. N’hésitez pas à consulter la carte des mobilisations.
Les demandes des associations pour garantir un accès à la langue française à toutes et tous
- Le retrait du marché de formation 100% distanciel
- L’accès à des formations linguistiques en modalité présentielle, dans des conditions matérielles favorables aux bénéficiaires comme aux professionnel·les de la formation : la formation linguistique comme droit et non comme devoir
- La diversification des espaces et des programmes d’enseignement-apprentissage, pour prendre en compte la diversité des personnes et de leurs manières d’apprendre
- Le retrait des exigences linguistiques conditionnant l’accès aux titres de séjour et à la nationalité