
La traversée de la Méditerranée coûte chaque année la vie à plusieurs milliers de personnes. Contrairement à l’idée reçue, de nombreuses femmes se lancent aussi dans ce dangereux voyage pour espérer se (re)construire en Europe.
Bintou a traversé le Niger, l’Algérie et la Libye avant de monter à bord d’une embarcation pour l’Europe. En Libye, elle a été détenue par des passeurs qui ont cherché à la vendre comme "épouse" à quiconque pouvait payer la rançon.
"C’était une sorte de mariage forcé. Elle (Bintou) m’a dit qu’il valait mieux être violée par un seul homme que par plusieurs", explique Candida Lobes, responsable de la communication de Médecins Sans Frontières (MSF), à InfoMigrants.
Dans son pays d’origine, le Cameroun, Bintou était la plus jeune d’une famille de 15 enfants. Très tôt, elle a été contrainte de se marier pour assurer à sa famille une certaine sécurité financière. Pour que ses deux filles, âgées de 20 et 28 ans, ne subissent pas le même sort, Bintou a décidé de fuir le Cameroun avec elles.
"Des histoires tristes, d’émancipation et de liberté"
Elles ont toutes été récupérées par le navire humanitaire Geo Barents affrété par MSF en décembre dernier.
"La plupart du temps, ces femmes voyagent avec leurs enfants. Elles fuient un mariage forcé, un mari violent et l’extrême pauvreté. C’est comme une cage. Il est parfois préférable de tenter sa chance en traversant la Méditerranée", note Candida Lobes de MSF. "Les histoires de ces femmes sont tristes, mais ce sont aussi des histoires d’émancipation et de liberté". (...)
Accouchement en mer
Decrichelle, 32 ans, fait également partie des personnes sauvées en décembre dernier par le navire humanitaire. Rouée de coups par son mari, elle a fini par ne plus compter le nombre d’hospitalisations. Sa meilleure amie l’a poussée à partir avant que son mari ne la tue. Elle a donc quitté la Côte d’Ivoire avant de traverser le désert avec son bébé de 6 mois, qui n’a pas survécu au périple. "Elle a dû enterrer son bébé dans le désert. Lorsqu’elle a été secourue, elle a dit qu’elle n’avait plus rien", se souvient Candida Lobes.
Le Geo Barents a également sorti de l’eau Fatima. Elle s’était échappée de Libye alors que sa grossesse arrivait à terme. Fatima a ainsi donné naissance à un petit garçon à bord du navire.
"Certaines grossesses ont lieu en Libye et ne sont pas le fruit de relations consenties. (...)
D’après l’OIM, les femmes courent un plus grand risque de mourir pendant la traversée. Sur les bateaux, les femmes et les enfants sont souvent placés sous le pont ou au milieu pour les protéger pendant le voyage. Toutefois, lorsque l’embarcation se trouve en détresse, il leur devient plus difficile de s’en échapper. Elles périssent écrasées ou noyées.
D’autres facteurs pouvant paraître plus anecdotiques, comme des compétences en natation plus faibles que les hommes, des vêtements plus encombrants et le fait de voyager avec des enfants, augmenteraient également le risque de noyade. (...)