Pour la première fois depuis leur libération, six anciens détenus, dont le président du FLNKS Christian Tein, se sont exprimés ensemble pour « mettre la lumière » sur ce qu’il s’est passé depuis les révoltes du 13-Mai en Kanaky-Nouvelle-Calédonie et évoquer la suite des événements, après leur rejet de l’accord de Bougival.
C’estC’est la première fois qu’ils se retrouvent ensemble. « [C’est] un honneur et une grande joie près de 500 jours après notre déportation », se réjouit Steve Unë. Jeudi 6 novembre, sur la scène de la Bourse du travail à Paris, ce militant indépendantiste s’exprime aux côtés de ses camarades de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) Yewa Waetheane, Brenda Wanabo, Guillaume Vama, Dimitri Tein-Qenegei et Christian Tein, tou·tes transféré·es en métropole en juin 2024 et détenu·es à 17 000 kilomètres de leurs proches pendant près d’un an.
Libéré·es sous contrôle judiciaire, mais toujours mis en examen dans le cadre de l’instruction en cours sur les violences qui ont éclaté en Nouvelle-Calédonie le 13 mai 2024, ils et elle souhaitent « mettre la lumière » sur ce qu’il s’est passé depuis leur arrestation et évoquer la suite des événements, à quelques jours de la première visite de la nouvelle ministre des outre-mer, Naïma Moutchou, dans l’archipel. Cette dernière entend reprendre les discussions sur le projet d’accord de Bougival, rejeté par le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) l’été dernier.
Devant la presse puis une salle comble d’environ 150 personnes réunies à l’initiative du collectif Solidarité Kanaky, les militant·es racontent inlassablement leur combat pour l’indépendance de leur pays, les ravages de la colonisation et la façon dont l’État français les a traité·es depuis les révoltes du 13-Mai, et bien avant. (...)
L’humiliation et le rejet
Les militant·es de la CCAT « réfutent le fondement de la mise en examen qui [les] a privés de liberté pendant un an », souligne Steve Unë. « On est un peuple accueillant, on n’a jamais appelé à la violence ni à la destruction, dit-il. Le peuple kanak a été humilié en défendant ses droits. Nous sommes des pères et des mères de famille, pas seulement des militants. » « Avant d’être des militants, on est des hommes liés à la terre et à la mer, explique également Dimitri Tein-Qenegei, résumant ainsi le caractère existentiel de la lutte kanak. Quand ils nous enferment comme ça, c’est pour briser notre conscience. »
« Tout ce que l’on a fait, nous l’avons fait pacifiquement, mais pendant un an, on nous a salis », insiste Brenda Wanabo, rappelant les propos du ministre de l’intérieur de l’époque, Gérald Darmanin, qui avait qualifié la CCAT de « groupe mafieux ». Loin des clichés véhiculés par certain·es responsables politiques, elle évoque le chemin emprunté par les « anciens » il y a plus de quarante ans et le choix des Kanak « d’intégrer ceux qui sont arrivés en Kanaky », archipel colonisé par la France en 1853, et toujours inscrit sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU.
Contrairement à ce que voudraient laisser croire les partisan·es du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans le giron français, le sujet est loin d’être réglé. (...)
« Votre gouvernement est têtu et continue de décider des choses à Paris à la place du peuple kanak. »
Christian Tein, président du FLNKS (...)
il faut désormais « rediscuter pour poser les bases d’un nouvel accord, en mettant le projet d’indépendance et les éléments de la souveraineté sur la table ». « La paix, c’est l’indépendance », complète Yewa Waetheane, en rappelant les propos que tenait Jean-Marie Tjibaou dès 1975 : « Il ne faut pas oublier que les Kanak sont là, qu’ils seront toujours là, et qu’ils vous emmerderont jusqu’à l’indépendance. » Mais les militant·es de la CCAT se méfient de leurs interlocuteurs au gouvernement, à commencer par Sébastien Lecornu, Gérald Darmanin et Emmanuel Macron.
Des difficultés pour rentrer
Le trio est celui qui a décidé de maintenir le troisième référendum d’autodétermination en 2021, malgré l’opposition des indépendantistes. C’est aussi lui qui a multiplié les passages en force, notamment en voulant imposer un dégel du corps électoral. Lui encore qui continue à « mettre des bâtons dans les roues » des anciens détenus de la CCAT, selon Dimitri Tein-Qenegei. Comme la plupart de ses camarades, le jeune homme indique rencontrer des « problèmes de passeport » qui l’empêchent de rentrer chez lui pour le moment. (...)
Selon Brenda Wanabo, « 75 jeunes » partisans de l’indépendance sont toujours incarcérés en métropole. « On voulait aussi rendre hommage à nos martyrs, ceux qui ont perdu la vie », poursuit la militante en citant le nom des Kanak tués par les forces de l’ordre ou des civils armés ( ....)