
« Ils sont au cœur de l’alimentation du futur et de la préservation des sols », défend l’agronome Christophe Gatineau, président de la toute nouvelle Ligue de protection des vers de terre. Les défendre suppose de préserver les sols agricoles.
Une Ligue de protection des vers de terre a vu le jour le 20 avril dernier. La bonne blague ! Ils ne savent plus quoi inventer… Sauf qu’une partie de notre alimentation transite par l’intestin des vers de terre avant de nourrir les plantes qui nous nourrissent. De la même manière qu’un insecte sur quatre en France est à l’origine de la plupart des fruits et graines que nous consommons, et qu’une bouchée sur trois passe avant entre les « mains » des abeilles. Quatre cultures sur cinq ont besoin d’elles, et toutes ont besoin des vers de terre et des microbes souterrains. (...)
petit animal qui avait fait dire en 2018 au célèbre astrophysicien Hubert Reeves : « La disparition des vers de terre est un phénomène aussi inquiétant que la fonte des glaces. » Et d’ajouter : « Le ver de terre est un bon exemple du fait qu’une toute petite chose à peine visible peut prendre une importance majeure. » (...)
Il y a des vers de terre, des vers de compost, des vers aquatiques, des vers marins, il y a même des vers de glaciers, finalement, les Annélides ont colonisé tous les milieux, sauf les airs… Mais il y a aussi ce paradoxe où, d’un côté, on dit que c’est l’animal le plus important sur la terre, l’ingénieur des sols, et de l’autre, il est vu comme insignifiant.
Un ver de terre, fût-il lombric terrestre, ne fera jamais le poids face à une abeille à miel. Réduit à être moche et gluant, alors qu’il est le premier animal sauvage dont le comportement a été étudié. De plus, il est le seul animal non social à cultiver pour nourrir ses vermisseaux ! Un jour, il faudra avoir le courage d’arrêter de l’assimiler à un stupide ver de compost. (...)
l’État refuse de les préserver pour ne pas compromettre l’agriculture intensive, tout en reconnaissant officiellement leur rôle dans la bonne santé des solsl’État refuse de les préserver pour ne pas compromettre l’agriculture intensive, tout en reconnaissant officiellement leur rôle dans la bonne santé des sols (...)
La moitié des sols agricoles dégradés
Soyons lucides, l’État dit tout et son contraire. Et dire aujourd’hui, comme le soutient la Ligue de protection des vers de terre, qu’ils sont au cœur de l’alimentation du futur et de la préservation des sols, lui paraît trop simple, simpliste, surtout lorsque le ministre de l’Agriculture déclare que « c’est par l’innovation qu’on s’en sortira ». C’était le 26 avril 2024. Et ce jour-là, il a placé le génie humain au dessus du génie de la nature. (...)
Quant au génie des vers de terre, il est relégué aux oubliettes… quand plus de la moitié des sols agricoles sont dégradés à des degrés divers à cause du génie humain. (...)
En résumé, si 95 à 100 % de notre alimentation provient de l’habitat des vers de terre, une partie de nos vêtements et chaussures en provient aussi, tout comme une partie de notre chauffage, essence, gaz, électricité et matériaux de construction… et sans oublier le papier, le carton, le vin, le tabac et les huiles ! C’est bien la preuve parfaite que la viabilité de l’humanité dépend de la salubrité de leur logement. Franchement, avons-nous conscience de cela ? Je ne le crois pas ! (...)
Pour ne pas les oublier, et parce que la loi française nie toujours leur existence, la Ligue de protection des vers de terre œuvrera à les préserver et à contribuer à leur protection juridique, ainsi qu’à réhabiliter leur habitat dans le modèle agricole. Elle est la deuxième association dans le monde, avec la Société britannique des vers de terre, à « parler » au nom des vers de terre. (...)
Christophe Gatineau, agronome, auteur de Éloge du ver de terre (Flammarion, 2018) et président de La Ligue de protection des vers de terre.