
Le secrétaire général de l’ONU a appelé, lundi 2 juin, à une enquête indépendante après la mort d’au moins 31 personnes à la suite de tirs, la veille, près d’un centre d’aide humanitaire à Gaza, imputés par les secours à l’armée israélienne qui a nié être impliquée.
Selon la Défense civile, des tirs israéliens ont fait au moins 31 morts et 176 blessés à proximité d’un centre de distribution d’aide alimentaire dans le gouvernorat de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.
Des photos de l’AFP montrent des civils transportant des corps sur le site et des médecins d’hôpitaux proches ont fait état d’un déluge de blessés par balles. (...)
Scènes de "chaos"
"Je suis consterné par les informations faisant état de Palestiniens tués et blessés alors qu’ils cherchaient de l’aide à Gaza", a déclaré, lundi, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.
"Il est inacceptable que des Palestiniens risquent leur vie pour obtenir de la nourriture", a-t-il ajouté dans un communiqué, sans attribuer la responsabilité des décès.
"Je demande l’ouverture immédiate d’une enquête indépendante sur ces événements et que les auteurs soient tenus pour responsables", a-t-il encore dit.
La GHF, officiellement une société privée dotée d’un financement opaque, affirme avoir distribué des millions de repas depuis le début de ses opérations fin mai, mais son déploiement a été marqué par des scènes chaotiques et des informations faisant état de victimes de tirs israéliens à proximité des centres de distribution.
Les Nations unies ont refusé de travailler avec cette organisation en raison de préoccupations concernant ses procédés et sa neutralité, certaines agences d’aide humanitaire estimant qu’elle semblait avoir été conçue pour répondre aux objectifs militaires israéliens. (...)
Lire aussi :
– (Mediapart)
Gaza : la distribution d’aide humanitaire tourne au massacre
Le nouveau système de distribution voulu par Israël et les États-Unis tue ceux qu’il est censé sauver. Plus de 72 personnes ont été tuées et des centaines blessées depuis une semaine par des tirs de l’armée israélienne alors qu’elles attendaient les colis alimentaires.
aLa Fondation humanitaire pour Gaza (Gaza Humanitarian Foundation, GHF) est plus douée pour la réalité alternative et la propagande que pour la distribution de l’aide alimentaire à des gens affamés. « L’aide a de nouveau été distribuée aujourd’hui sans incident », se satisfait-elle dans Times of Israel dimanche 1er juin. Ajoutant : « Les informations faisant état de blessés et de morts sont totalement fausses et inventées de toutes pièces. »
De son côté, et en appui des dires de GHF – ou inversement –, l’armée israélienne a nié avoir tiré. Comme d’habitude lors de ce genre de circonstances, tirs sur des civils ou secouristes désarmés avec un nombre de victimes important, elle a assuré qu’une « enquête est en cours ».
Sauf qu’au même moment, des dizaines de témoignages indiquent que les personnes qui se pressaient devant deux centres de distribution ouverts par GHF, l’un à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, et l’autre près du checkpoint de Netzarim, qui sépare le nord et le sud de l’enclave, ont essuyé des tirs de drones, de chars et de soldats israéliens.
Certains sont rapportés par l’ONG Médecins sans frontières présente dans l’hôpital Nasser de Khan Younès. Les équipes médicales ne réussissent pas à faire face à l’afflux de blessés. Celui-ci est insoutenable dans l’état de pénurie absolue dans lequel se trouve l’établissement à cause du blocus quasiment hermétique mis en place par les autorités israéliennes depuis le 2 mars. « Les banques de sang étant presque vides, le personnel médical a dû lui-même donné du sang », écrit l’ONG.
« Contrairement à ce que j’ai vu auparavant, où la plupart des patients étaient des femmes et des enfants, aujourd’hui il y avait surtout des hommes. […] Ils avaient des blessures par balle au niveau des membres et leurs vêtements étaient imbibés de sang », explique Nour Alsaqa, responsable de la communication chez MSF dans le même texte.
Ce sont les hommes, principalement, qui se rendent dans les centres de distribution ouverts par GHF la semaine dernière, en espérant rapporter un colis de nourriture.
Mourir pour un sac de farine
Car c’est bien, une nouvelle fois, et contrairement à ce qu’affirme GHF, en allant chercher de quoi manger que ces personnes ont été tuées ou blessées. (...)
La Fondation humanitaire pour Gaza avait vanté, avec l’ouverture de centres de distribution gardés par des mercenaires de la société états-unienne SRS, un tout nouveau système d’aide, une organisation au millimètre, avec enregistrement des bénéficiaires et détection faciale, pour que pas un sac de farine ne tombe entre les mains du Hamas. Le détournement de l’aide, jamais prouvé, était en effet la justification israélienne pour abattre le système traditionnel mis en place par l’ONU et les grandes ONG internationales, relayées sur le terrain par une myriade d’ONG nationales. (...)
Le résultat est inversement proportionnel aux efforts de communication déployés par les promoteurs de cette nouvelle organisation. « Ce ne sont pas des centres de distribution d’aide, ce sont des sortes de bases militaires ! Ils ne répondent à aucun des critères professionnels de l’humanitaire, assure à Mediapart Amjad al-Chawa, directeur de la plateforme des ONG palestiniennes, depuis la ville de Gaza. Il n’y a aucune organisation mise en place, aucune base de données, rien du tout. Quand on fait de l’humanitaire, on va au plus près des gens qui ont besoin d’aide, on ne les fait pas marcher des heures et des heures pour atteindre un lieu qui n’est ni sûr ni organisé, alors qu’ils ont faim ! Vous savez, il faut deux heures et demie de marche, quand on est à Khan Younès, pour arriver à leur centre à Rafah, là où ils ont tiré sur les gens affamés qui n’en peuvent plus d’entendre leurs enfants pleurer de faim. »
« Quand on arrive au camp, il y a très peu d’aide à distribuer, et aucune organisation, alors les gens poussent, et les plus costauds se servent, reprend Eyad Amawi. J’ai un voisin, un jeune homme, il a réussi à prendre plusieurs cartons. » (...)
Sans parler de la déshumanisation affolante des personnes affamées, littéralement traitées comme du bétail, comme lorsqu’un drone survole la foule qui se presse devant un centre de distribution il y a trois jours pour annoncer : « Nous invitons nos concitoyens à rester à l’écart du site. Il n’y aura pas de distribution d’aide aujourd’hui. Veuillez respecter les règles pour votre sécurité. » L’humiliation ajoutée à la faim.
« À Rafah, quand les gens sont arrivés devant le centre, l’armée israélienne, qui est positionnée juste derrière les entrepôts de GHF, a envoyé des drones quadricoptères tirer dans la foule, complète Eyad Amawi. À Netzarim, les soldats israéliens sont aussi juste à côté du centre, ils ont fait feu avec leurs fusils et les chars. » (...)
Mohamed Daghmeh, raconte, toujours à MSF : « J’ai reçu une balle à 3 h 10 du matin. Comme nous étions pris au piège, j’ai saigné en continu jusqu’à 5 heures. Il y avait beaucoup d’autres hommes avec moi. L’un d’entre eux a essayé de me sortir de là. Il a reçu une balle dans la tête et est mort sur ma poitrine. Nous n’étions là que pour de la nourriture, juste pour survivre, comme tout le monde. »
« Ils ont détruit le système humanitaire que nous avons mis des années à construire, les ONG internationales et nationales, pour arriver à ce chaos-là. » Amjad al-Chawa, directeur de la plateforme des ONG palestiniennes (...)
il est dit haut et fort que les négociations se poursuivent. En attendant, les Gazaoui·es meurent, de faim, par manque de soins, sous les tirs et les bombardements.
Selon le ministère de la santé de Gaza, 54 470 personnes ont été tuées dans la bande de Gaza depuis le 7-Octobre et 124 693 blessées. 14 000 sont considérées disparues, sous les décombres.