Pressée par 20 pays de l’UE, la Commission européenne a annoncé avoir entamé des discussions avec les Taliban pour expulser les ressortissants afghans en situation irrégulière présents sur le Vieux continent. L’Allemagne et la Belgique sont très impliquées dans ce dossier "sensible". Jusqu’à présent, à l’échelle européenne, Bruxelles n’autorise pas les expulsions, faute de relation diplomatique avec les fondamentalistes religieux.
La Commission européenne a fait part lundi 20 octobre de prises de "contacts exploratoires" avec les Taliban. Bruxelles a révélé dialoguer avec les autorités de Kaboul après avoir reçu une lettre de 20 États membres lui réclamant de coordonner une stratégie pour expulser les Afghans en situation irrégulière sur le Vieux continent. La France, l’Espagne et le Portugal n’y ont pas apposé leur signature.
Ces pays signataires de la missive exigent de l’Union européenne (UE) "des solutions diplomatiques et pratiques" permettant de renvoyer en Afghanistan des personnes condamnées par la justice - mais aussi des personnes dont la demande d’asile a été rejetée en Europe.
Le dossier est particulièrement "sensible", admet Didier Leschi, le directeur de l’Office français pour l’intégration et l’immigration (Ofii), qui dépend du ministère de l’Intérieur, joint par InfoMigrants. Parce qu’il implique de dialoguer avec les autorités talibanes que l’Union européenne ne reconnaît pas. Cette prise de contact "est un véritable changement de pied", continue-t-il.
Expulsion d’un Afghan par l’Autriche
Pour l’heure, rien n’est fait. Les retours de demandeurs d’asile déboutés sont du ressort des États, rappelle la Commission européenne. Chaque pays met en œuvre sa propre politique de renvoi.
Ainsi, l’Autriche a procédé mardi 21 octobre à la première expulsion d’un réfugié afghan condamné en justice depuis la reprise du pouvoir des Taliban en 2021. Vienne prépare d’autres retours, a indiqué le gouvernement, malgré les protestations d’ONG. (...)
Berlin, de son côté, autorise déjà les expulsions vers l’Afghanistan - via des vols charters organisés par le Qatar. (...)
Berlin, de son côté, autorise déjà les expulsions vers l’Afghanistan - via des vols charters organisés par le Qatar. (...)
"Reconnaître indirectement le régime taliban"
Le ministre allemand de l’Intérieur, Alexander Dobrindt, avait estimé que Berlin devait avoir la légitimité de renvoyer des criminels dans leur pays d’origine. Et ce, malgré la "cruauté" des fondamentalistes religieux à l’égard de sa population, et notamment des femmes - réduites au silence total. "Nous voulons effectuer des renvois réguliers, et cela ne signifie pas uniquement par des vols charter, mais également par des vols commerciaux", avait détaillé Alexander Dobrindt.
"Des difficultés avec une partie de l’immigration afghane sont telles que des pays comme l’Allemagne sont prêts à reconnaitre indirectement le régime taliban pour accélérer la délivrance de laissez-passer consulaires", explique encore Didier Leschi à InfoMigrants. (...)
Pour le moment, deux vols d’expulsion ont été organisés depuis l’Allemagne vers Kaboul, le plus récent ayant transporté 81 Afghans en juillet dernier. Plusieurs des expulsés avaient été condamnés pour violences sexuelles, homicides, blessures volontaires, incendies criminels, infractions liées aux stupéfiants, selon les autorités régionales.
Ces renvois font bondir les ONG. "Expulser des personnes vers des pays dangereux comme l’Afghanistan et diaboliser les réfugiés est l’expression d’un programme autoritaire qui a malheureusement également trouvé son chemin en Allemagne", a dénoncé Amnesty International.
"Solutions européennes"
Pour rappel, la France, elle, n’autorise pas les éloignements forcés vers Kaboul, mais permet la mise en œuvre de "retour volontaire" si des ressortissants afghans sans-papiers en expriment le souhait. (...)
Dans la foulée de l’Allemagne, de nombreuses capitales européennes réclament désormais des avancées concrètes dans un nouveau processus d’expulsions, piloté par Bruxelles. (...)
La Belgique en fait partie. La ministre de l’Asile et de la Migration, Anneleen Van Bossuyt, souhaite obtenir un soutien de l’UE rapidement. "Ce problème [d’expulsions] n’est pas uniquement belge. C’est pourquoi des solutions européennes doivent être trouvées pour le ’retour volontaire’ et forcé des Afghans. Pour ceux qui n’ont pas d’avenir dans l’UE, le message doit être clair : le retour est la seule option", a estimé la ministre belge.
Comment se coordonner ? "Il pourrait s’agir de mutualiser des ressources, d’organiser des vols communs vers l’Afghanistan", a dit le ministre suédois de l’Immigration, Johan Forssell, dans un entretien à l’AFP. "Peu importe la forme, nous devons trouver des solutions communes", a-t-il martelé. (...)
Frontex, l’agence européenne de défense des frontières de l’UE, pourrait ainsi être la solution commune. Elle est déjà sollicitée pour organiser des vols d’expulsions depuis les pays membres. "En 2022, l’agence a expulsé près de 25 000 personnes via 151 vols charters vers 24 pays. Sur l’ensemble de ces vols d’expulsion, 90 % ont été organisés à l’initiative de la France, de l’Italie et de l’Allemagne", rappelle the Conversation. Le rythme pourrait être accéléré. (...)