Chercheur spécialiste des expulsions forcées, WIlliam Walters décrypte la façon dont l’administration Trump organise sa politique migratoire. Il explique également comment la communication autour de ces pratiques violentes est présentée comme un « spectacle » pour le public américain.
William Walters est sociologue politique à l’Université de Carleton au Canada. Travaillant notamment sur les frontières, il a mené des projets de recherche sur le rôle de l’aviation civile dans les expulsions forcées en Europe et ailleurs. Une partie de son travail est disponible en français dans la revue AntiAtlas de 2022 sur les expulsions par voie aérienne. Son analyse permet de comprendre comment les cibles de la politique états-unienne d’expulsions forcées ont changé avec l’administration Trump, mais aussi la façon dont ces politiques de terreur sont accompagnées d’une communication s’inscrivant dans le projet Maga (Make America Great Again). (...)
Aujourd’hui, certains changements sont extrêmement préoccupants, notamment l’ampleur des expulsions vers des pays tiers, avec lesquels les personnes n’ont aucun lien. Autre changement : l’élargissement en termes de ciblage des personnes, des statuts et des catégories visées. (...)
On constate également un élargissement des lieux où les raids sont menés. Des lieux qui étaient considérés comme des zones interdites, tels que les lieux de culte, les hôpitaux ou les tribunaux, ne le sont plus. Trump déploie également la Garde nationale ou l’armée dans les zones frontalières ou certaines villes.
L’administration Trump fait appel aux agences militaires et aux agents fédéraux pour intervenir dans des domaines qui relevaient auparavant de la responsabilité des États ou des autorités locales. Une autre mesure prise, et qui est vraiment choquante, consiste à invoquer des lois telles que l’Alien Enemies Act de 1798 pour justifier certaines de ces expulsions. (...)
Ces justifications juridiques leur permettent d’étendre la capacité à expulser immédiatement des personnes avant qu’elles n’aient la possibilité de contester les décisions devant les tribunaux. (...)
L’un des domaines où les liens avec le secteur privé sont les plus importants est celui de la détention. Une grande partie des centres de détention sont gérés par de grandes entreprises privées telles que Geo Group. Le responsable de la sécurité frontalière de Trump, Tom Homan, et la procureure générale Pam Bondi ont précédemment fait du lobbying auprès de Geo Group. On pourrait penser que ces entreprises privées ont intérêt à ce qu’il y ait davantage de détentions. Les compagnies aériennes privées jouent également un rôle important dans tout cela, bien sûr, tandis que des avions militaires ont également été utilisés pour certaines expulsions. (...)
Trump utilise une politique de haine pour attiser les sentiments et les émotions d’une partie de la population. Les images, vidéos et mèmes qui circulent entre les plateformes médiatiques d’extrême droite et les informations officielles du gouvernement en font partie. Et ça se retrouve également dans les médias grand public. (...)
Je pense que l’immigration et les expulsions aux États-Unis attirent l’attention en Europe parce qu’elles suscitent à la fois la peur et l’étonnement. Mais pour certaines personnes, elles sont une source d’inspiration. Certains populistes d’extrême droite, qui ne sont plus des figures marginales dans de nombreuses régions d’Europe, peuvent désormais dire : « Regardez, cela fait des décennies que nous disons que les immigrants illégaux et les réfugiés sont un problème, et les États-Unis commencent enfin à prendre cette question très au sérieux. » Trump peut donc, dans une certaine mesure, légitimer leur cause. En même temps, ils doivent faire attention à la manière dont ils s’alignent sur lui. Il est risqué et imprévisible. (...)
Les sondages d’opinion semblent indiquer un enthousiasme considérable pour ces politiques d’expulsion agressives. C’est comme si c’était l’un des piliers du camp Maga. (...)