Au Pakistan, plus de deux millions d’enfants fréquentent les madrasas, ces écoles coraniques qui offrent une éducation religieuse gratuite aux plus démunis. Mais derrière les murs de ces institutions vénérées se cache une réalité glaçante : des milliers d’enfants y subissent des violences sexuelles dans un silence assourdissant. Enquête exclusive de nos correspondants. Attention, le contenu de cette vidéo peut heurter la sensibilité.
"Tous les garçons du village parlaient du risque de se faire violer dans les madrasas... Je ne pensais pas que cela pourrait m’arriver", confie Hassan, 14 ans. Le jeune garçon raconte sans flancher l’horreur du viol qu’il a subi par le mollah à la tête de l’école coranique qu’il fréquentait. Nos reporters l’ont rencontré chez lui, deux mois après son agression.
L’histoire d’Hassan, similaire à des dizaines d’autres, a convaincu nos correspondants au Pakistan de l’importance de mener une enquête sur ce sujet tabou et extrêmement sensible, dans un pays musulman conservateur et traditionnel.
De la province rurale du Pendjab, aux bureaux feutrés d’Islamabad, nos reporters, Shahzaib Wahlah et Sonia Ghezlai, avec la collaboration de Talha Saeed, ont recueilli d’autres témoignages inédits : un ancien élève, devenu lui-même agresseur, qui révèle le cycle de la violence, un père dont le fils a été défenestré après avoir subi des abus, ou encore des militants qui risquent leur vie pour briser le silence.
État dans l’État
Ils ont aussi donné la parole à des responsables de madrasas, qui défendent leur institution, tout en reconnaissant à demi-mot certains dysfonctionnements.
Cette enquête, "Pakistan, l’innocence volée", dévoile les ressorts d’une société prise en étau entre respect des traditions religieuses et protection de l’enfance.
Elle révèle comment l’influence croissante du clergé pakistanais depuis les années 1970 a créé un État dans l’État, rendant quasiment impossible toute remise en question des institutions religieuses, même face aux crimes les plus odieux.
Ce documentaire exceptionnel d’une durée de 31 minutes est le fruit d’une année d’enquête dans un milieu hermétique, où chaque témoignage a été obtenu aux prix d’immenses risques pour ceux qui ont accepté de témoigner devant notre caméra.
Il offre un regard sans concession, mais nuancé, sur l’un des tabous les plus puissants du monde musulman contemporain et interroge les possibilités d’évolution dans une société pakistanaise tiraillée entre modernité et fondamentalisme.