
Après 16 années et demie de procédures judiciaires et administratives pour contester mon assignation à résidence très longue durée, la décision de la cour de cassation a mis un point final à mes recours internes. Résumé des faits et perspectives...
Je m’appelle Kamel Daoudi. J’ai été condamné en première instance à 9 ans ferme par le TGI de Paris, le 15 mars 2005. J’ai interjeté appel de la décision en première instance. J’ai été condamné à 6 ans ferme par la CA de Paris, le 14 décembre 2005. La condamnation principale a été assortie à chaque décision d’une peine complémentaire : l’interdiction définitive du territoire français.
J’ai acquis la nationalité française par naturalisation, le 14 janvier 2001 et en ai été déchu par décret, le 27 mai 2002 sous la présidence de Jacques Chirac, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui comptait Nicolas Sarkozy comme ministre de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales et François Fillon comme ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité.
Les juridictions françaises considèrent que ma peine n’a pas été intégralement purgée dans la mesure où la peine complémentaire d’IDTF n’a pas encore été exécutée.
L’IDTF est une peine bâtarde dans la mesure où il s’agit d’une peine administrative prononcée à titre complémentaire dans le cadre d’une décision de justice pénale. Son application dépend donc à la fois du ministère de la justice et du ministère de l’intérieur et de son administration sur le volet contrôle (pointages) et surveillance (renseignement intérieur).
Qu’est ce qu’une procédure de relèvement en interdiction du territoire ? (...)
L’IDTF est une mesure complémentaire de la peine principale mais elle est inégalitaire dans la mesure où elle introduit une discrimination de fait à l’encontre des personnes condamnées étrangères. Elle est d’autant plus discriminatoire dans mon cas dans la mesure où pendant l’instruction de mon affaire alors que j’étais censé être présumé innocent, le ministère des affaires sociales a initié une procédure de retrait de la nationalité française que j’avais acquise par naturalisation. (...)
Comme mon casier judiciaire était vierge avant ma mise en examen le 3 octobre 2001, la procédure d’annulation du décret de naturalisation s’est fondée sur un vieil article issu du Code Civil affirmant que lorsque l’étranger est de “de mauvaise vie ou de mauvaise mœurs” le décret de naturalisation peut être rapporté, c’est-à-dire invalidé. (...)
La Cour de Cassation a statué en ma faveur en cassant la décision de la Cour d’appel de Paris par son arrêt n°1312 du 7 décembre 2021. (...)
Une nouvelle formation s’est donc réunie pour motiver sa décision de refus de relèvement de mon interdiction définitive du territoire français en tenant compte de l’arrêt n°1312 de la Cour de cassation. La Nouvelle formation de la Cour d’appel a prononcé sa décision, le 21 septembre 2022. (...)
C’est donc pour cette nouvelle décision que je me suis de nouveau pourvu en cassation en développant deux moyens (arguments), l’un sur la forme : le fait que ma compagne avec qui je n’étais pas encore marié a été entendue en tant que témoin avec prestation de serment.
Le second se plaçait sur le fond avec une contestation de l’assignation à résidence comme mesure privative de liberté et non comme mesure restrictive de liberté selon la jurisprudence actuelle et persistante du Conseil constitutionnel qui a jugé que l’assignation à résidence, notamment en état d’urgence ou pour les étrangers interdits de territoire ne viole pas la liberté individuelle garantie par l’article 66 de la Constitution.
La jurisprudence du Conseil Constitutionnel
Le Conseil constitutionnel évalue la proportionnalité des mesures d’assignation à résidence en vérifiant qu’elles sont appropriées, nécessaires et proportionnées par rapport à l’objectif poursuivi. Il s’assure que ces mesures ne constituent pas une privation de liberté, mais plutôt une restriction, sous réserve que des conditions strictes soient respectées. Pour les assignations en état d’urgence, la menace doit être grave pour la sécurité publique, et l’autorité administrative doit fournir des éléments nouveaux ou complémentaires. (...)
On comprend dans ces circonstances que mon assignation à résidence peut se prolonger indéfiniment puisqu’il est toujours facile d’instrumentaliser des causes externes pour prétexter que la condition de sauvegarde de la sécurité publique n’est pas remplie.
Le 11 septembre 2024, la Cour de cassation a rendu son arrêt. (...)
Cet ultime arrêt met fin aux recours internes – c’est-à-dire nationaux – et me permettent ainsi de saisir la CEDH sur le fond du contentieux qui m’oppose au gouvernement français.
La CEDH m’avait en effet débouté, le 14 septembre 2023 car elle avait estimé que je n’avais pas épuisé tous les recours internes. C’est désormais chose faite. (...)
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