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France24
En Tunisie, le puissant syndicat UGTT dans le collimateur du président Kaïs Saïed
#Tunisie #democratie #UGTT #repression #resistances
Article mis en ligne le 17 août 2025

La puissante centrale syndicale tunisienne UGTT, considérée comme un pilier de la démocratie, fait face à des attaques inédites du président Kaïs Saied. Ce dernier cherche à affaiblir son influence et à intimider ses membres, alors que l’organisation se prépare à une grande mobilisation.

Elle est la cible d’attaques inédites du président Kaïs Saïed. L’Union générale tunisienne du travail (UGTT), considérée comme un pilier démocratique du pays, tente de réagir en mobilisant ses troupes face à l’offensive de Tunis contre la société civile.

Auréolée du prix Nobel de la Paix en 2015 avec trois autres associations pour son rôle clé dans la transition démocratique après la révolution tunisienne de 2011, l’organisation a dénoncé une "tentative d’assaut" de son siège le 7 août par des partisans de Kaïs Saïed.

Munis de pancartes l’accusant de "corruption" et "dilapidation de l’argent du peuple", plusieurs dizaines de personnes avaient appelé au départ des dirigeants de l’UGTT dont son chef Noureddine Taboubi.

La nuit suivante, le chef de l’État, qui monopolise tous les pouvoirs depuis un coup de force à l’été 2021, prenait fait et cause pour les protestataires, niant leur volonté d’agresser qui que ce soit. En parallèle, il intimait à l’UGTT d’"ouvrir tous les dossiers" car "le peuple demande des comptes pour que ses biens lui soient restitués".

La méfiance du président tunisien à l’égard des corps intermédiaires

Pour Abdelatif Hannachi, professeur d’histoire contemporaine à Tunis, ces propos "fortement provocateurs" visent à pousser l’UGTT "à entrer dans un bras de fer" avec le pouvoir.

Le président Kaïs Saïed n’a jamais caché sa "méfiance envers les corps intermédiaires, y compris les forces de la société civile", souligne-t-il à l’AFP, disant redouter une escalade, voire "une confrontation" directe comme dans les années 1970-80.

Noureddine Taboubi a annoncé une grande marche le 21 août au centre-ville pour "défendre l’UGTT et ses valeurs" et obtenir une relance du dialogue social.

L’UGTT "ne se laissera pas museler" car "sa voix est forte", a-t-il dit lundi, en appelant toute personne "qui a un dossier (de corruption, ndlr) à recourir à la justice" car l’UGTT n’est "pas au-dessus des lois".

Pour Bassam Khawaja, directeur régional adjoint pour Human Rights Watch (HRW), les déclarations de Kaïs Saïed sont des "menaces à peine voilées" et "une nouvelle atteinte aux institutions qu’il tente de démanteler depuis son coup de force" de 2021.

Fondée en 1946, l’UGTT a été à la pointe de la contestation de la colonisation française ainsi que de l’autocrate Bourguiba et son successeur Ben Ali, renversé en 2011.

"Après avoir multiplié les attaques contre les partis politiques et les associations, les autorités semblent avoir désormais dans leur viseur les forces syndicales, l’un des derniers piliers démocratiques en Tunisie", a indiqué à l’AFP Bassam Khawaja. (...)

Un syndicat face au mécontentement de la population

Pour la Ligue tunisienne des droits de l’homme, la manifestation contre l’UGTT était une "tentative de tarir l’expression libre et d’affaiblir l’espace civique par le biais de l’intimidation, de la diffamation et de la déformation".

HRW a, elle aussi, exhorté les autorités à "mettre fin à leurs intimidations et respecter le droit à la liberté d’association dans le contexte de crise économique que traverse la Tunisie".

Selon des observateurs, en s’en prenant à l’UGTT, Kaïs Saïed surfe sur un certain mécontentement de la population après, par exemple, trois jours d’une grève très suivie des transports fin juillet.

Des Tunisiens reprochent aussi à la centrale d’avoir bloqué l’économie, en multipliant les grèves, notamment dans le secteur crucial des phosphates pendant la décennie ayant suivi la chute de Ben Ali. (...)

La manifestation prévue le 21 août sera un test de la capacité de mobilisation d’une organisation qui compte plus de 700 000 adhérents et de nombreux sympathisants dans la société civile.