Le RN risque d’arriver au pouvoir. Allô, la police ? Vous pouvez faire quelque chose ? Pas vraiment, à en croire les représentants des principaux syndicats de gardiens de la paix.
« On refuse d’appeler à voter pour ou contre quelqu’un, c’est un choix individuel. Alliance fait de la politique syndicale, pas politicienne. Nous sommes apolitiques, même si certains nous cataloguent. Dans la sphère privée, nos collègues, nos délégués, nos adhérents, sont des citoyens comme les autres qui font ce qu’ils veulent », explique à 20 Minutes Éric Henry, délégué national d’Alliance police nationale.
Même son de cloche du côté d’Un1té, l’autre grande organisation syndicale. « Nous ne donnons aucune consigne de vote. Il faut dissocier le citoyen, qui fait son choix dans l’isoloir, de l’agent de la fonction publique. Nos statuts n’interdisent pas à nos adhérents d’être encartés dans un parti, quel qu’il soit », souligne Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat. L’essentiel, dit-elle, « c’est que nos militants respectent une forme de neutralité dans l’exercice de leur fonction syndicale ». Quant à s’opposer au RN, la policière estime que les syndicats « ne sont pas légitimes pour dire qu’un parti n’est pas légitime ».
« Il y a quelque chose de générationnel »
Si les représentants des syndicats de police tiennent aujourd’hui cette position, cela n’a pas toujours été le cas par le passé. Le syndicat Alliance avait appelé à « faire barrage » à Jean-Marie Le Pen lors de l’élection présidentielle de 2002. Quinze ans plus tard, l’ancien secrétaire général du syndicat, Jean-Claude Delage, avait encore demandé à ses adhérents de « voter contre la candidate du Front national » au second tour, à savoir Marine Le Pen. (...)
Comment expliquer cette soudaine envie de neutralité politique des syndicats ? (...)
Ne pas insulter l’avenir
La droite, la gauche, puis le « centre » avec le parti créé par Emmanuel Macron… Peu importe pour les syndicats de policiers, dont le seul objectif « est de défendre les intérêts de leurs adhérents, quelle que soit la couleur politique du ministre de l’Intérieur », note Marion Guenot. Le futur locataire de la place Beauvau ne sera qu’un interlocuteur de plus à qui ils transmettront leurs revendications. Même si beaucoup ne cachent pas qu’ils apprécient Gérald Darmanin, un ministre soucieux d’entretenir avec eux de bonnes relations. En ne prenant pas position contre le RN, il y a donc, en substance, la volonté de ne pas insulter l’avenir et de ne pas se mettre à dos les responsables du parti d’extrême droite qui pourraient être amenés à prendre le pouvoir d’ici quelques semaines.
« Il y a aussi l’idée que le RN séduit une large proportion des policiers de base. Les organisations syndicales essaient de composer avec cette donnée, sans vraiment en connaître la proportion », remarque la sociologue. (...)
« Les policiers ont toujours préféré adhérer aux syndicats majoritaires, même ceux qui votent à droite ou à l’extrême droite, insiste la sociologue. Même s’ils doivent côtoyer des collègues qui ont des opinions politiques radicalement différentes. »