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France24
"Des familles entières anéanties" : un mémorial pour les 38 000 enfants tués à Hiroshima et Nagasaki
#Hiroshima #Nagasaki #bombeAtomique #armement #Gaza #ICAN
Article mis en ligne le 7 août 2025

Une ONG militant pour l’abolition des armes nucléaires, lauréate en 2017 du prix Nobel de la paix, a créé un mémorial en ligne à l’occasion des 80 ans des bombardements atomiques américains sur Hiroshima et Nagasaki, les 6 et 9 août 1945. L’objectif est de rendre hommage aux 38 000 enfants tués dans ces attaques en racontant leurs histoires, mais aussi d’alerter sur la menace nucléaire qui pèse toujours sur le monde.

Devant l’objectif de leur père, Hideaki et Kimiko Suzuki affichent leur joie et leur innocence. Les deux enfants au regard espiègle s’amusent à se cacher derrière un muret. Les sourires de cette photographie se sont effacés le 6 août 1945. Agés respectivement de onze et neuf ans, ce frère et cette sœur se trouvaient dans leur école primaire d’Hiroshima, au Japon, au moment où la bombe atomique américaine explose au-dessus de la ville. (...)

"Kimiko a été gravement brûlée sur tout le corps par la chaleur brûlante de la bombe. Hideaki, qui semblait indemne, a porté sa petite sœur sur son dos jusqu’à un poste de secours situé à environ deux kilomètres de là. ’Je reviendrai te chercher’, a dit Hideaki à Kimiko, qui a tenté de rester calme même au moment de se séparer. C’était la dernière fois que la famille l’a vu ; les restes de Kimiko n’ont jamais été retrouvés", peut-on lire sur le site de Children’s Peace Memorial. "Un oncle a retrouvé Hideaki plus tard, dans un autre poste de secours. Quelques jours plus tard, il a développé des signes de syndrome d’irradiation aiguë ; il a soudainement souffert d’un saignement de nez grave et est décédé rapidement."

Leur petit frère Mamoru et leur sœur Akiko, âgés de trois et un an, ont aussi péri dans l’attaque américaine. Leurs ossements ont été retrouvés dans les décombres calcinés du salon de coiffure de leur père. Ce dernier, grièvement blessé, a succombé à son tour dans un poste de secours. Seule la mère des enfants a survécu, mais elle s’est suicidée en sautant dans un puits après avoir appris la mort de tous les autres membres de sa famille. (...)

Comme la famille Suzuki, environ 140 000 personnes sont mortes à Hiroshima et environ 74 000 autres à Nagasaki. Sur ces plus de 210 000 victimes, environ 38 000 étaient des enfants.

"Beaucoup de gens ignorent le fait que des dizaines de milliers d’enfants ont été victimes des attaques nucléaires sur Hiroshima et Nagasaki. Nous voulions partager certaines de leurs histoires afin que des atrocités de ce genre ne se répètent jamais. Le meurtre et la mutilation d’enfants ne peuvent jamais être justifiés. C’est toujours moralement inadmissible", explique Tim Wright, directeur de campagne de l’ICAN.

Cette initiative a été inspirée par l’action de Setsuko Thurlow, survivante du bombardement d’Hiroshima à l’âge de 13 ans. Lors de ses conférences publiques, celle-ci brandit toujours une grande banderole jaune portant les noms de ses 351 camarades de classe et enseignants tués lors de l’attaque. Devenue ambassadrice de la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires, elle a reçu en 2017, à Oslo, le prix Nobel de la paix décerné à l’ICAN. (...)

Fidèle à ce message, l’ICAN veut ainsi, avec ce mémorial, non seulement honorer la mémoire de ces enfants, mais aussi d’inciter à l’action pour l’abolition totale des armes nucléaires. "Il y en a plus de 12 000 dans le monde aujourd’hui. Certaines sont beaucoup plus puissantes que les bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki il y a 80 ans", insiste Tim Wright. "Nous voulons que les visiteurs du site pensent non seulement au passé, mais aussi à l’avenir. Comment pouvons-nous faire en sorte que les enfants ne souffrent plus jamais comme ceux d’Hiroshima et de Nagasaki ? Quel genre de monde voulons-nous transmettre aux générations futures ?", ajoute-t-il. (...)

Pour frapper les esprits, le mémorial présente l’histoire tragique de plus de 400 enfants. La plus jeune de ces victimes n’avait que quelques heures et ne porte pas de nom. Son père, Minoru, était présent à sa naissance. "Il lui a préparé de l’eau chaude pour son premier bain, puis a salué la sage-femme de la main. Quelques instants plus tard, la bombe nucléaire a explosé dans le ciel", raconte son portrait publié sur le site.

L’onde de choc de l’explosion a détruit la maison et son épouse, Tsuyako, son bébé et sa fille de deux ans, Sumie, se sont retrouvés coincés dans les décombres. "J’ai essayé de toutes mes forces de les sortir et mes mains étaient ensanglantées, mais je n’y suis pas parvenu", a raconté après la guerre Minoru, unique survivant de sa famille. "Sumie pleurait. Elle m’a dit : ’Papa, c’est chaud ! Le feu arrive ! Mes mains brûlent !’ Elle a poussé un dernier cri, et je n’ai plus entendu sa voix."

Certains de ces enfants sont morts sur le coup, d’autres de leurs blessures des semaines, des mois ou des années après les attaques. Certains étaient très proches de l’hypocentre de l’explosion ; d’autres se trouvaient à plusieurs kilomètres. Pour reconstituer ces histoires, l’ICAN a travaillé avec les musées de la bombe atomique d’Hiroshima et de Nagasaki, les journaux locaux et les associations d’anciens élèves des écoles. (...)

En 2017, l’ICAN est parvenu à l’adoption du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), puis le 22 janvier 2021 à son entrée en vigueur. Quatre-vingts ans après les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, Tim Wright veut croire en une action de grande ampleur : "Nous pensons que ce traité offre la voie la plus réaliste vers le désarmement. À ce jour, la moitié des pays y ont adhéré. Nous exhortons l’autre moitié à monter à bord. Il est dans l’intérêt de tous que ces armes horribles soient éliminées."

En 2024, le prix Nobel de la paix été décerné à l’organisation japonaise pour l’abolition des armes atomiques Nihon Hidankyo, qui regroupe des survivants des bombardements nucléaires sur Hiroshima et Nagasaki. (...)