
Au moins 35 tirailleurs africains, qui réclamaient leurs soldes, ont été tués lors de ce massacre. Un bilan largement sous-estimé, selon un Livre blanc remis au président sénégalais.
Le massacre par l’armée française de tirailleurs africains(Nouvelle fenêtre), en 1944 au Sénégal, a été "prémédité" et "camouflé", dénonce un Livre blanc remis jeudi 16 octobre au président sénégalais, dont l’AFP a obtenu une copie en exclusivité. "Le bilan réel de la tragédie [de Thiaroye] est difficile à connaître de nos jours", écrivent les chercheurs auteurs de ce rapport de 301 pages. Selon eux, "les rapports contradictoires et manifestement faux parlent de 35 ou 70 morts", alors que "plus de 400 tirailleurs se sont volatilisés comme s’ils n’avaient jamais existé". "Les estimations les plus crédibles avancent les chiffres de 300 à 400" morts, affirment-ils.
Ces tirailleurs originaires de plusieurs pays ouest-africains (notamment Sénégal, Côte d’Ivoire, Guinée, Haute-Volta – devenue aujourd’hui le Burkina Faso) avaient été rapatriés après avoir combattu pour l’armée française en Europe lors de la Seconde Guerre mondiale, et réclamaient le paiement d’arriérés de soldes avant de rentrer chez eux. Le traumatisme lié à leur massacre est toujours vif au Sénégal et dans de nombreux pays du continent.
Les chercheurs réclament une "demande de pardon" de la France (...)
"Il est certain que si les tirailleurs avaient été armés, ils se seraient défendus. Nulle part, le moindre acte de résistance n’a été mentionné", affirment les chercheurs. "La tuerie ne s’est pas limitée au camp de Thiaroye et à ses abords. Certains soldats ont été tués à la gare et des blessés, probablement achevés et fusillés au cimetière et en d’autres endroits, et transférés [au cimetière de Thiaroye] pour leur inhumation", ajoutent-ils.
Les chercheurs recommandent "une requête au niveau de la Cour européenne des droits de l’homme pour entendre prononcer que le massacre de Thiaroye est une violation massive et caractérisée des droits de l’homme envers les tirailleurs sénégalais". La France est en outre appelée à "exprimer officiellement sa demande de pardon aux familles, aux communautés et aux populations des pays dont sont originaires les tirailleurs". Le Livre blanc recommande aussi "l’introduction de requêtes collectives de révision" des procès des tirailleurs jugés et condamnés pour ce massacre, "en impliquant la société civile africaine et européenne".
Le chef de la diplomatie française a déclaré vendredi que les autorités françaises allaient "prendre connaissance de ce rapport". (...)