
Nouakchott
L’Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (AMDH) exprime sa profonde indignation et condamne avec la plus grande fermeté les rafles massives et les arrestations arbitraires menées ces derniers jours par les autorités mauritaniennes contre les migrants. Ces actions, exécutées avec brutalité et mépris des droits fondamentaux, constituent une violation grave de la dignité humaine et des engagements internationaux et régionaux pris par notre pays.
Nous rappelons que la Mauritanie a signé plusieurs accords bilatéraux avec la Côte d’Ivoire, le Mali et le Sénégal, garantissant un cadre légal pour la circulation et le séjour des ressortissants de ces pays. Ces engagements doivent être respectés et appliqués dans un esprit de fraternité et d’humanité.
En outre, la Mauritanie est État partie à plusieurs instruments régionaux et internationaux protégeant les droits des migrants et des populations vulnérables :
- La Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples, qui engage les États africains à garantir le respect des droits fondamentaux de toutes les personnes présentes sur leur territoire, y compris les migrants.
- Le Protocole de Maputo, qui impose une protection particulière aux femmes et aux enfants, souvent les premières victimes des politiques migratoires répressives.
- Le Protocole sur la libre circulation des personnes et le droit de résidence et d’établissement de l’Union Africaine, qui vise à garantir aux citoyens africains la liberté de mouvement sur le continent.
- La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, adoptée par l’ONU en 1990, qui impose aux États de garantir aux migrants le respect de leurs droits fondamentaux, indépendamment de leur statut administratif.
Nous dénonçons également la responsabilité de l’Union européenne et des pays ayant signé des accords avec la Mauritanie pour la lutte contre l’immigration dite "clandestine". Ces accords encouragent indirectement des pratiques répressives et inhumaines sur notre territoire, en transformant la Mauritanie en un rempart contre les flux migratoires. En externalisant la gestion des migrations, ces États portent une part de responsabilité dans les violations des droits humains commises en Mauritanie.
Le traitement inhumain infligé aux migrants en cette période du Ramadan est une offense aux valeurs de solidarité, de respect et de dignité qui fondent notre société et qui sont consacrées par la Constitution mauritanienne. Nous ne pouvons accepter que des hommes, des femmes et des enfants soient arrêtés, maltraités et expulsés sans aucun respect de leurs droits.
Face à cette situation alarmante, l’AMDH exige :
1. L’arrêt immédiat des rafles et expulsions arbitraires.
2. Le respect des accords bilatéraux signés avec la Côte d’Ivoire, le Mali et le Sénégal, garantissant un traitement digne des migrants.
3. L’application stricte de la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples, du Protocole de Maputo et des autres instruments africains garantissant la protection des migrants et des populations vulnérables.
4. Une mise en conformité avec la Constitution mauritanienne et les principes fondamentaux des droits humains.
5. Un dialogue immédiat avec les États concernés pour une approche plus respectueuse des droits des migrants.
6. Une prise de responsabilité de l’Union européenne et des pays ayant signé des accords migratoires avec la Mauritanie, afin qu’ils cessent d’encourager indirectement ces pratiques répressives.
Nous appelons également la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH), le Commissariat aux Droits de l’Homme, ainsi que tous les mécanismes nationaux ayant mandat d’agir, à intervenir immédiatement pour faire respecter le droit et protéger les migrants contre ces abus.
Nous exhortons toutes les forces vives du pays, les défenseurs des droits humains et les citoyens mauritaniens à se mobiliser afin d’exiger des autorités mauritaniennes une mise en conformité immédiate avec leurs obligations nationales et régionales.
La Mauritanie ne peut pas, au nom d’accords sécuritaires, sacrifier des vies humaines et bafouer les principes fondamentaux de justice et de dignité.