Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Mediapart
Dans la Creuse, des habitants se mobilisent après une « chasse au nègre » en marge d’une fête de village
#Creuse #racisme #extremedroite #solidarites
Article mis en ligne le 28 août 2025
dernière modification le 27 août 2025

Plus de 300 personnes se sont rassemblées lundi à Royère-de-Vassivière pour afficher leur soutien aux victimes d’une agression raciste. Selon les témoignages, elle visait principalement un jeune homme noir devenu la proie d’une chasse à l’homme après la fête du 15 août.

Que s’est-il passé dans la nuit du 15 au 16 août, à l’issue d’une fête de village à Royère-de-Vassivière ? Selon Cédric Lecomte, conseiller municipal et membre du comité organisateur des festivités, cité par le journal La Montagne, pas grand-chose. Juste un groupe d’une dizaine de jeunes éméchés, en fin de soirée, essayant de piquer des gobelets.

« Ils [les jeunes – ndlr] ont commencé à nous jeter des bouteilles, et on ne s’est pas laissé faire. Ils sont partis en courant après. Mais oui, ça s’est engueulé, c’est sûr », a-t-il affirmé au quotidien régional quelques jours après les faits.

Cependant, les jeunes en question et d’autres témoins relatent une tout autre histoire, celle d’une prise à partie délibérée et ciblée, visant un jeune homme noir et se transformant après un premier passage à tabac en « chasse au nègre » – l’expression aurait été employée par les agresseurs – avec camions pickups et talkies-walkies dans les rues de la commune de 570 habitant·es. Et ces témoignages désignent ledit conseiller comme l’un des principaux protagonistes de l’agression.

« Non, ce n’était pas une bagarre entre personnes alcoolisées. Nous avons vécu un tabassage en bande organisée et notre seule réponse était la fuite et la mise en sécurité. Nous avons fait l’objet d’un guet-apens », assure la principale victime, âgée de 26 ans, s’adressant lundi à la presse sous le couvert de l’anonymat, car soumise à « des intimidations quasi quotidiennes par des personnes vivant près de chez [elle] ». (...)

Le commandement de gendarmerie responsable du secteur n’a pas répondu aux demandes d’éclaircissements de Mediapart. Une source au sein de la maréchaussée a toutefois confirmé à La Montagne des « propos discriminatoires », mais démenti une « chasse à l’homme ». Le maire socialiste de Royère-de-Vassivière, Raymond Rabeteau, a quant à lui refusé de s’exprimer, au motif qu’il s’agit d’une « affaire privée ». L’élu mis en cause et celui cité comme une des victimes n’étaient pas immédiatement joignables.

Rassemblement de soutien

Les faits évoqués par les victimes supposées semblaient en tout cas suffisamment probants aux yeux de plus de 300 habitant·es du village et de ses abords, venus lundi à Royère-de-Vassivière les assurer de leur soutien derrière des bannières affirmant : « Dans nos villages, pas de racisme, pas de violences. »

« Ces attaques nous blessent et nous attristent individuellement, et plus largement, elles portent atteinte à tous les habitants d’ici, quels qu’ils soient, qui croient à la possibilité du vivre-ensemble, ont lu à plusieurs voix des membres du comité de soutien créé après l’incident. Nous ne voulons pas vivre dans la peur des autres. » (...)

Dans la foule, représentants d’associations et de partis gardent profil bas, bannières en berne, à la demande du comité. Mais pas la langue dans leur poche. (...)

Ex-députée La France insoumise (LFI) de la Creuse, Catherine Couturier rappelle pour sa part que sa permanence avait déjà été visée par « des dégradations et des tags violents comme “députée salope” ou “la mosquée on va la brûler” » pendant son mandat, de 2022 à 2024.

À Royère-de-Vassivière, l’élu ciottiste a recueilli 104 voix au premier tour de la législative 2024, soit 34,21 % des suffrages, et 129 au second (41,08 %). En 2022, le RN ne passait pas le cap du premier tour, avec 41 électeurs (17,67 %), pas plus que le Front national avant lui, qui ne recueillait que 17 suffrages (6,81 %) en 2017.

Lors du rassemblement lundi, les membres du comité de soutien voulaient croire que l’incident du 15 août, au lieu de diviser le village, lui permettrait de se rassembler autour d’un « refus commun des discriminations et des violences ». L’enjeu est d’autant plus crucial que la commune doit accueillir fin septembre la fête de la Montagne limousine, une célébration rassemblant les habitant·es de tout le sud de la Creuse.