Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Basta !
Crise agricole : « Le problème est une overdose normative »
#agriculture #UE #concurrence
Article mis en ligne le 1er février 2024
dernière modification le 30 janvier 2024

Alors que la colère agricole s’amplifie, le gouvernement promet « l’arrêt de la surtransposition des normes européennes ». Une « erreur juridique », selon le chercheur Dorian Guinard, qui empêche de s’attaquer aux distorsions de concurrence.

(...) certains arguments infondés reviennent dans les discours : l’antienne de la « surtransposition », de nouveau présente au sein des éléments de langage, est ainsi reprise par certains représentants syndicaux [1] et personnels politiques de premier plan, singulièrement le ministre de l’Agriculture.

Source de tous les maux ?

Que veut dire « surtransposition » ? Le terme désigne la transposition d’une directive par une norme interne - une loi par exemple - qui irait plus loin que les dispositions de celle-ci, c’est-à-dire qui « excéderait les obligations résultant d’une directive » selon le Conseil d’État [2]. Cette surtransposition serait, avec les normes environnementales européennes, source de bien des maux des agriculteurs français. L’idée est martelée, mais la réalité donne tort à ceux qui la prononcent.

Il faut noter que seules les directives européennes sont concernées par ce phénomène, et non les règlements de l’Union. Et pour cause : seules les directives de l’UE doivent être transposées - autrement dit intégrées dans notre droit français par une norme française - et non les règlements de l’Union qui sont d’application immédiate et « obligatoires dans tous leurs éléments » [3]. Ces derniers ne font donc l’objet d’aucune transposition, et logiquement, encore moins de surtransposition : ils s’appliquent tels quels sur l’ensemble du territoire de l’Union. (...)

L’avis du Conseil d’État précité est de ce point de vue éclairant : le Conseil ne pointe, dans le domaine agricole, qu’une éventuelle surtransposition [4] à propos de … la chasse de certains oiseaux « pour prévenir des dommages importants causés aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries et aux eaux ». (...)

Premier constat : la surtransposition n’est pas un phénomène juridique fréquent, spécialement dans le monde agricole. (...)

Pas de surtransposition en matière de pesticides (...)

autoriser ou ne pas autoriser un produit phytopharmaceutique n’est pas une surtransposition mais la mise en œuvre d’une compétence (habilitée par le système juridique de l’Union) conditionnée par une analyse scientifique interne (l’ANSES en l’espèce). Le problème n’est donc pas celui de la surtransposition mais plutôt d’une certaine « overdose » normative (ce qu’on comprend évidemment) et de certains écarts réglementaires en réalité pas si fréquents dans le monde agricole comme on peut le lire dans un rapport du Sénat.

Il reste que ces écarts réglementaires entrainent in fine des distorsions concurrentielles, véritable problème évoqué à juste titre par plusieurs représentants syndicaux. Cette question des distorsions concurrentielles implique de revenir rapidement sur leurs causes et ensuite sur la façon de les surmonter. (...)

Les pistes, nombreuses et complexes, pour améliorer la situation des agriculteurs procèdent aussi, et surtout, de la pure politique nationale, en sachant qu’il faut préserver les impératifs de protection de la santé et de l’environnement. Elles ne pourront cependant être correctement exploitées qu’en identifiant les tout aussi nombreux problèmes auxquels nos agriculteurs sont confrontés. Et la surtransposition n’en fait pas partie.