
Un double discours constitutif de son histoire
À peine quelques semaines après avoir appelé à la réintroduction de pesticides interdits, soutenu la loi Duplomb et minimisé l’impact sanitaire de certaines substances toxiques utilisées par l’agro-industrie, le syndicat se fait le porte-voix des normes européennes et dénonce la concurrence déloyale que les agriculteurs français subissent.
(...) « La FNSEA veut jouer sur les deux tableaux, estime Morgan Ody, de la coordination Via Campesina. D’un côté, elle dit que notre agriculture est la meilleure du monde et qu’il faut la protéger. De l’autre, elle affirme que l’on n’est pas assez compétitif sur les marchés internationaux et qu’il faut démanteler les règles qui structurent notre agriculture. Quitte à assumer un nivellement vers le bas. Ce n’est pas seulement des incohérences, c’est une pure hypocrisie. »
« Son objectif principal a toujours été le productivisme à outrance »
Ce double discours est ancien, il est même constitutif de l’histoire de ce syndicat. « Dès les années 1990, la FNSEA a accompagné la mise en compétition des marchés agricoles au nom des filières exportatrices françaises et de l’agrobusiness, rappelle l’économiste Maxime Combes. Elle a tenté, en parallèle, d’arracher des mesures de compensation et des soutiens publics pour les filières en difficulté. Mais son objectif principal a toujours été le productivisme à outrance, l’ouverture des marchés à l’international et la quête de profits pour ses grandes entreprises. »
D’ailleurs, en 2016, Arnold Puech d’Alissac, un de ses administrateurs, l’assumait publiquement. En plein débat sur le Tafta — le traité de libre-échange transatlantique —, il déclarait que « quand on est à la FNSEA, on est favorables à la libéralisation des marchés ».
Un soutien au libre-échange assumé
C’est surtout à l’échelle européenne, au sein du lobby agricole Copa-Cogeca, que la FNSEA a manœuvré en faveur de ce modèle. Elle s’est ainsi félicitée ces dernières années des accords entre l’Union européenne et le Japon, avec l’Indonésie, le Vietnam, le Mexique ou encore le Chili. (...)
« La lutte des classes traverse le monde agricole, la FNSEA fait tout pour le faire oublier »
« Même sur des accords qui impactent massivement l’agriculture française, elle se fait peu loquace et préfère rester silencieuse », souligne Maxime Combes. Sur le Ceta, la FNSEA a été prise entre deux feux, car l’accord avec le Canada était aussi bénéfique pour la filière laitière industrielle et pour Lactalis, qui pèse dans le syndicat.
Elle a également soutenu l’accord entre l’UE et la Nouvelle-Zélande, les filières maraîchères et ovines qui en sont les principales victimes n’étant pas importantes à ses yeux. La FNSEA ne s’est pas non plus opposée à l’accord entre le Maroc et l’UE, lancé en 2022, car les entreprises installées sur place sont d’abord et avant tout européennes.
Au fond, le syndicat majoritaire défend une vision purement égoïste et opportuniste du libre-échange, assure Morgan Ody. Avec un discours à géométrie variable et une vision néocoloniale. (...)