
Appelé à s’expliquer sur la crise politique déclenchée par le vote de la loi « immigration » inspirée de l’extrême droite, le président de la République s’est lancé dans une défense acharnée de Gérard Depardieu. Comme pour les affaires Hulot, Darmanin ou Abad.
La ficelle est grosse. Alors que la majorité présidentielle traverse une crise politique majeure après le vote de la loi « immigration » qui comprend une mesure instaurant la « préférence nationale » chère au Rassemblement national, Emmanuel Macron a appliqué la méthode de Charles Pasqua : « Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire. »
Mercredi 20 décembre, sur le plateau de « C à vous », sur France 5, le président de la République a fait une sortie suffisamment choquante sur l’affaire Gérard Depardieu pour être certain de créer une polémique qui relèguerait la « victoire idéologique » de Marine Le Pen, la démission de son ministre de la santé et la fronde de 32 départements de gauche refusant d’appliquer cette mesure anticonstitutionnelle.
Lors de cette émission, Emmanuel Macron a d’abord avancé des arguments qu’on lui connaissait déjà dans ce type d’affaires : « emballement », « tribunal public », « ère du soupçon », « on-dit », « chasse à l’homme », « ordre moral », non-respect de la présomption d’innocence – tout en se disant « inattaquable dans la lutte contre les violences faites aux femmes ». Cette sémantique est la sienne depuis le mouvement #MeToo : de la « société de la délation » (2017) à la « société de l’inquisition » (2021) en passant par la « République du soupçon » (2018). (...)
Mercredi soir, le président de la République est allé plus loin, en défendant ouvertement Gérard Depardieu, à qui il avait parlé au téléphone quelques jours plus tôt, selon Franceinfo : « Je suis un grand admirateur de Gérard Depardieu. [...] C’est un génie de son art. […] Et je le dis en tant que président de la République mais aussi en tant que citoyen, il rend fière la France. » Une manière de répondre à la ministre de la culture Rima Abdul-Malak qui s’est, selon lui, « un peu trop » avancée en jugeant que l’acteur faisait « honte à la France » et en soutenant une procédure disciplinaire concernant sa Légion d’honneur. « Non, nous ne sommes pas fiers de Gérard Depardieu », a répondu en miroir l’ancien président François Hollande, jeudi matin sur France Inter.
Thèse complotiste et attaque des médias
Mais Emmanuel Macron a passé un autre cap, plus inquiétant encore, en relayant une rhétorique complotiste jusqu’ici cantonnée aux médias appartenant au groupe Bolloré (...)
Des précédents : Hulot, Darmanin, Abad
Ce n’est pas la première fois que le chef de l’État se retranche derrière la présomption d’innocence – règle fondamentale de droit pénal que personne ne remet en cause – pour soutenir une personnalité mise en cause pour des violences sexuelles. C’est au nom de ce même principe qu’Emmanuel Macron a jugé que Gérald Darmanin, Nicolas Hulot et Damien Abad devaient être maintenus au gouvernement malgré des accusations de viol (des plaintes classées sans suite depuis pour les deux premiers).
Mais tout en renvoyant vers la justice pénale, Emmanuel Macron ne peut s’empêcher, chaque fois, de soutenir publiquement ces personnalités, loin de la posture neutre qu’il devrait endosser. (...)