l’extrême droite se nourrit du désespoir économique, de l’insécurité et de l’exclusion. Pour la priver de ses ressources, ceux qui veulent préserver la démocratie doivent proposer un contre-discours axé sur la dignité et l’appartenance, ainsi qu’un programme politique conçu pour favoriser l’inclusion économique et la résilience climatique.
De l’Allemagne aux États-Unis en passant par le Brésil et au-delà, l’extrême droite gagne du terrain. Si les détails varient d’un pays à l’autre, le schéma est étonnamment cohérent : l’extrême droite prospère lorsque les économies ne parviennent pas à assurer le bien-être, l’équité et la sécurité. (...)
Ce n’est pas une observation nouvelle. Antonio Gramsci, Karl Polanyi et d’autres penseurs du XXe siècle ont diagnostiqué le fascisme comme une réponse réactionnaire à l’instabilité capitaliste et aux mouvements progressistes qui avaient émergé pour contrer ses excès. Dans The Great Transformation, Polanyi a fait valoir que le « déracinement » des marchés des relations sociales avait créé un terrain fertile dans lequel l’autoritarisme pouvait s’enraciner.
À notre époque, Nancy Fraser, de la New School for Social Research, a décrit comment le néolibéralisme érode la solidarité sociale, alimentant le populisme exclusif. D’autres analystes soulignent que l’austérité et la précarité rendent les citoyens vulnérables aux discours simplistes qui désignent des boucs émissaires.
Ainsi, l’histoire montre comment le chômage de masse, l’inflation et la baisse du niveau de vie peuvent favoriser l’extrémisme, en particulier lorsqu’ils s’accompagnent d’institutions faibles, d’une polarisation politique ou de discours exploitant les griefs et les peurs. Tout comme la Grande Dépression a ouvert la voie au fascisme en Europe, la crise financière mondiale de 2008 a créé les conditions d’un retour du nationalisme à travers le monde.
Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une nouvelle itération du même cycle. (...)
Les chocs internationaux – ruptures de la chaîne d’approvisionnement pendant la pandémie, volatilité des marchés énergétiques, conflits prolongés, effets inflationnistes du changement climatique – ont également alimenté la montée des forces d’extrême droite. Ces problèmes exigent une coopération transfrontalière, mais les extrémistes les exploitent pour attaquer le multilatéralisme, le présentant comme un « complot mondialiste ». Les droits de douane punitifs de Trump incarnent cette réponse, présentant le commerce mondial comme une lutte à somme nulle dans laquelle les étrangers sont les ennemis des travailleurs américains.
Ces discours simplistes unissent les mouvements d’extrême droite plus que n’importe quel ensemble de politiques communes. (...)
Les chocs internationaux – ruptures de la chaîne d’approvisionnement pendant la pandémie, volatilité des marchés énergétiques, conflits prolongés, effets inflationnistes du changement climatique – ont également alimenté la montée des forces d’extrême droite. Ces problèmes exigent une coopération transfrontalière, mais les extrémistes les exploitent pour attaquer le multilatéralisme, le présentant comme un « complot mondialiste ». Les droits de douane punitifs de Trump incarnent cette réponse, présentant le commerce mondial comme une lutte à somme nulle dans laquelle les étrangers sont les ennemis des travailleurs américains.
Ces discours simplistes unissent les mouvements d’extrême droite plus que n’importe quel ensemble de politiques communes. Chacun repose sur une opposition fondamentale entre « nous » et « eux ». Comme le note la sociologue brésilienne Esther Solano, ces discours séduisent ceux qui se sentent abandonnés, en faisant des immigrants, des minorités, des féministes, des militants pour le climat et d’autres groupes des ennemis. Dans un monde binaire de gagnants et de perdants, la complexité disparaît dans les mythes d’une pureté culturelle et d’une grandeur nationale révolues.
Pour contrer ces discours, il faut plus qu’une réfutation raisonnée. Si les racines de l’ascension de l’extrême droite sont en grande partie économiques, il sera impossible de la vaincre sans une nouvelle vision économique.
Cela signifie, pour commencer, s’attaquer à l’inflation à sa source. La récente vague d’inflation était moins liée à une demande excessive qu’à des chocs d’offre, à la spéculation et à des fragilités structurelles. Pourtant, l’orthodoxie économique a continué à privilégier les hausses de taux d’intérêt et l’austérité, pénalisant les travailleurs et les plus vulnérables. Les gouvernements doivent plutôt utiliser des outils fiscaux – soutien au revenu, allégements fiscaux sur les produits de première nécessité, renforcement des services publics – pour protéger les ménages, tout en investissant dans les capacités nationales en matière d’énergies renouvelables, de sécurité alimentaire et de production durable. Il faut lutter de front contre la spéculation des entreprises en appliquant les lois antitrust, en renforçant les règles de transparence et en sanctionnant les pratiques abusives en matière de prix.
Une deuxième priorité consiste à investir massivement (et stratégiquement) dans les infrastructures publiques. Des transports au logement, en passant par la santé et l’éducation, le domaine public doit être reconstruit. (...)
Troisièmement, nous avons besoin d’une transition véritablement juste vers une économie à faible émission de carbone. Une politique industrielle verte peut créer des emplois et revitaliser les régions laissées pour compte tout en décarbonisant l’activité économique. Mais si elle est trop laissée au marché, la transition verte risque d’aggraver les inégalités. (...)
À cette fin, la politique industrielle devrait se concentrer sur les énergies propres, la régénération des écosystèmes et les secteurs des soins.
Quatrièmement, nous devons restaurer la confiance dans les institutions. Cela signifie apporter des améliorations tangibles dans des domaines tels que le logement abordable, les soins de santé publics et les infrastructures résilientes. Cela signifie également démocratiser la prise de décision. (...)
Enfin, pour contrer les discours simplistes de l’extrême droite, il faut élaborer de nouveaux discours audacieux. Un message de renouveau culturel et politique doit accompagner la réforme économique. Là où l’extrême droite offre la peur, la division et des boucs émissaires, les forces démocratiques doivent offrir la solidarité, la dignité et l’espoir, en s’appuyant sur un discours qui met l’accent sur le bien-être collectif, célèbre la diversité et donne le sentiment que le progrès est possible et réel.
L’extrême droite se nourrit du désespoir, de l’insécurité et de l’exclusion. Bricoler les contours du néolibéralisme ne permettra pas d’apporter la sécurité, la dignité et le sentiment d’appartenance nécessaires pour l’affamer. Pour cela, nous avons besoin d’un nouveau modèle économique, fondé sur la durabilité, la justice et la solidarité.