
La grande ville du littoral du sud du Liban, appelée Sour en arabe, a été ravagée par deux mois de guerre meurtrière menée par Israël à travers le pays. Depuis le cessez-le-feu signé fin novembre, la population s’organise pour déblayer les décombres.
Aplati par un bombardement, le bâtiment où vivait Radhia ressemble désormais à un millefeuille de gravats où les sols et les plafonds des différents niveaux ne font plus qu’un. « Nous n’avons rien à voir avec la religion, nous ne sommes pas religieux. Nous n’avons rien à voir non plus avec la politique », assure cette ancienne professeure désormais à la direction d’une école, qui ne comprend toujours pas pourquoi son immeuble a été visé.
Pendant la guerre, l’État hébreu n’a cessé de justifier ses bombardements sur des zones densément peuplées par des civils, prétextant s’attaquer à des « cibles terroristes » du Hezbollah. Depuis le cessez-le-feu, Israël utilise les mêmes arguments pour expliquer les violations répétées de l’accord : du survol du Liban par ses avions de chasse et ses drones aux frappes meurtrières qui continuent d’avoir lieu. Trente-six personnes ont été tuées depuis l’entrée en vigueur de l’accord, selon le décompte du journal L’Orient-Le Jour. (...)
« Nous sommes sûrs que ce bâtiment n’a rien à voir avec la guerre. Avant qu’il soit détruit, je suis venue trois fois pour récupérer des affaires. Personne n’est entré dans le bâtiment. Quand nous étions absents, j’envoyais régulièrement notre menuisier pour s’assurer que les portes restaient fermées et qu’il n’y avait personne. S’il y avait eu quelqu’un dans le bâtiment, nous l’aurions su », dit-elle, énumérant chacune des personnes qui peuplaient l’édifice.
« Au rez-de-chaussée, c’était un magasin de tailleur et d’accessoires. À côté, mon fils a une entreprise de nettoyage, c’était son bureau. Au premier étage, il y avait un salon de coiffure. Au deuxième, un studio de maquillage. Au troisième, une dame y habitait, elle est coiffeuse. En face d’eux se trouve un logement qui appartient à quelqu’un qui réside à l’étranger. Et enfin au quatrième, c’était ma famille. » (...)
Des réseaux d’entraide
Partout, au centre-ville, c’est la même sidération qu’évoquent des habitant·es impuissant·es face à tant de désolation. Dans le quartier de Hay Al-Ramel (la cité de la plage), sur le front de mer, une frappe de drone a défiguré plusieurs habitations. Plus loin, c’est le dernier étage d’une tour qui a été amputé. Les magasins qui n’ont pas été endommagés sont déjà ouverts alors que les autres sont en cours de réparation. Malgré les fêtes de fin d’année, période particulièrement propice pour l’économie locale, portée, entre autres, par le retour au pays des expatrié·es, l’économie est à l’arrêt. L’ambiance est morose.
Au milieu des décombres, quelques rares téméraires tentent de s’organiser pour resserrer les liens. (...)
Des réseaux d’entraide se sont formés spontanément alors que les services de base n’ont toujours pas été rétablis. L’électricité, qui fonctionnait déjà de manière aléatoire avant la guerre, est encore coupée dans certains quartiers. La ville était encore privée d’eau depuis qu’une frappe israélienne a pulvérisé la station de pompage municipale. Sur place, des ouvriers s’affairent à réhabiliter les canalisations avec la pose de nouveaux tuyaux. « D’ici quelques jours, on pourra reprendre la distribution », veut croire un employé de l’établissement des eaux du Sud-Liban. (...)
« C’est la guerre la plus difficile que l’on ait vue, souffle Ali Safieddine, lieutenant de la défense civile de Tyr. Les armes utilisées, les destructions, le ciblage des civils, ce sont des choses que je n’avais jamais vues. Nous sommes épuisés, psychologiquement. Tous ceux qui ont survécu à cette guerre, c’est comme si on leur avait donné une seconde vie. » (...)
La popularité du Hezbollah
La guerre a polarisé certaines positions. « Il y a encore deux ans, quand nous ne pensions même pas à la guerre, j’étais contre la politique du Hezbollah et des autres partis », explique Nour Fares, assis dans son salon, dans la maison familiale de Masaken Chabiyeh. (...)
« Mais quand la guerre a éclaté, j’ai dû changer. Avec tout ce qui s’est passé autour de nous, mes opinions politiques ont évolué dans un autre sens parce que nous avions un ennemi plus grand, qui nous attaque, occupe nos terres et tue des gens innocents. Depuis, je soutiens plus que jamais la résistance [le Hezbollah – ndlr] car c’est la seule chose qui peut nous protéger. Pas le droit humanitaire, pas l’armée libanaise, pas le système international, rien de tout cela. » (...)