
Depuis neuf mois, des milliers de personnes sont victimes de la mise en place d’Arpège, un logiciel censé régler les indemnités liées aux arrêts de travail en Loire-Atlantique et en Vendée. Trois d’entre elles assignent la CPAM, jeudi 3 juillet, au tribunal judiciaire de Nantes.
(...) Une manière de donner une dimension nouvelle au rapport de force déjà engagé avec la Sécurité sociale. Me Mathilde Le Henaff s’est occupée de déposer pour eux ces référés au tribunal judiciaire de Nantes, au pôle social, spécialisé dans les affaires liées à la Sécurité sociale. Les affaires doivent être examinées le 3 juillet. (...)
L’objectif de ces référés (une procédure d’urgence) est de contraindre la CPAM à régulariser les dossiers, d’où la demande d’astreinte, c’est-à-dire d’une amende journalière. Mais aussi de remettre « sur le dessus de la pile » les dossiers des assuré·es ayant engagé la procédure, explique encore l’avocate.
Pour Sandrine Gadet, cela a fonctionné avant même qu’elle se rende au tribunal. À peine l’assignation remise, le 12 juin, elle recevait le 27 quelque 9 000 euros de la CPAM de Loire-Atlantique. Impossible de ne pas faire le lien entre sa démarche judiciaire et ce versement providentiel pour celle qui dit « avoir été superbement ignorée » par l’assurance-maladie mois après mois. Nouvelle surprise au matin même de l’audience, jeudi 3 juillet : « Bizarrement ce matin, j’ai reçu tous mes justificatifs ! », s’étonne Sandrine Gadet auprès de Mediapart. (...)
Sandrine Gadet reste convaincue que la solidarité paie et que les concerné·es doivent se serrer les coudes, face à ce « rouleau compresseur » qu’est la CPAM. Là où « les responsabilités sont diluées », juge-t-elle. En mai, elle franchit un cran supplémentaire dans la lutte et contacte une avocate.
Pour elle, pas question d’abandonner sa lutte malgré l’argent perçu. Porter l’affaire en justice n’est pas une question financière, puisqu’elle chiffre la dette restante à plus de 2 000 euros, mais une « question de principe ». Elle ne décolère pas mois après mois. « C’est insupportable d’être face à un problème aussi monumental, que j’appelle un scandale d’État. »
Demandes d’astreintes
La journaliste compte aussi récupérer ses attestations de paiement, car elle n’en a jamais reçu. Aussi réclame-t-elle, selon l’assignation consultée par Mediapart, outre la régularisation de sa situation, d’assortir la condamnation de l’assurance-maladie de trois astreintes distinctes, chacune de 100 euros par jour de retard : une pour le paiement des indemnités journalières ; une pour la reprise des versements réguliers, et la dernière pour la remise des attestations de paiement. Enfin, elle réclame 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile concernant les frais engagés.
Sandrine Gadet entend par son action dénoncer aussi « la précarisation dans laquelle sont plongés des gens qui avaient des vies simples, pas forcément très argentées, mais qui s’en sortaient. Et là une cascade d’ennuis administratifs leur tombe sur la tête ». Contactée par Mediapart, la Cnam indique, sur ce point précis, « ne pas commenter les affaires judiciaires en cours ».
De son côté, Pascal Cayeux, de la CGT de la CPAM de Saint-Nazaire, considère cette démarche bienvenue, car elle va « mettre une pression supplémentaire » sur la CPAM. Car les agent·es sur le terrain sont toujours dans « une gestion de crise » pour démêler les situations urgentes, rapporte-t-il. Surtout au moment où il est question d’étendre l’expérimentation à un autre département. Questionnée sur ce point précis, la Cnam indique que la décision n’est pas arrêtée tant que « le retour à la normale » n’est pas établi. (...)
Enfin, par sa démarche, Sandrine Gadet assume aussi sa volonté d’émulation. Elle veut inciter un maximum de personnes à faire valoir leurs droits. (...)
dans le collectif Arpège non merci, plusieurs des membres « par manque de culture et par peur, par pudeur aussi, ne se déclarent pas, ne vont pas voir les assistantes sociales et ne vont pas aller en justice ». (...)
Malgré ces coups de pouce, il va devoir vendre sa maison l’an prochain, pour rembourser ses dettes : « Les banques n’ont absolument rien voulu savoir sur la suspension des crédits, alors même que nous avions des assurances prenant en compte les invalidités et incapacités. Mais comme la Sécu était incapable de fournir des attestations d’indemnités journalières fiables, je me suis retrouvé avec des recours judiciaires. Les banques et les assurances n’aiment pas du tout l’incertitude. » En parallèle, il a déposé « pour la première fois de [s]a vie » un dossier de surendettement. Les témoignages en ce sens sont légion. (...)