
Combattantes héroïques, elles ont été les petites mains du mouvement du FLN. Dans un documentaire, la journaliste, Nadia Salem, a souhaité leur rendre hommage. Un travail de mémoire pour ne jamais oublier ce pan de l’Histoire. Interview.
Quatre femmes font face à la caméra. Leurs histoires se succèdent, dévoilant un passé méconnu, sur fond de guerre d’indépendance. Toutes ont fait partie de la résistance algérienne. Dans les archives, la plupart des combattants mentionnés sont des hommes. Or, ils étaient loin d’être les seuls au front.
La mère de Nadia Salem faisait partie de ces femmes “Moudjahidin”, résistante face à la colonisation française. Celle-ci a bataillé pour obtenir une reconnaissance qu’elle a finalement obtenue. La réalisatrice avait à cœur de raconter son histoire et celle d’autres femmes ayant un passé commun, avant que ces histoires ne se perdent dans les archives lointaines. Entretien. (...)
Ces femmes, petites mains essentielles, ont été occultées dans les discours officiels
Puis, en toile de fond, il y avait le décès de ma mère en 2014. J’avais une forte envie de lui rendre hommage, ainsi qu’aux femmes qui ont vécu ces événements sans jamais être reconnues. Ma mère s’était battue pour faire reconnaître leur statut. Sa mort a été un séisme pour moi, renforçant mon désir de rendre justice à ces femmes, de revenir sur leur engagement et leur exil. Ces femmes, petites mains essentielles, ont été occultées dans les discours officiels. On a beaucoup parlé des hommes morts au combat, mais il y avait une véritable armée de résistantes qui ont travaillé, hébergé des réunions clandestines et pris de grands risques. Il m’a fallu quatre ans entre l’idée du documentaire, sa conception et le tournage. (...)
Pour ce qui est des témoignages, interroger des gens m’était d’ailleurs plutôt naturel en tant que journaliste. Retrouver des femmes prêtes à se confier n’a, en revanche, pas été facile. Mais celles qui l’ont fait se sont livrées sans réserve. Elles me faisaient confiance, car elles connaissaient toutes ma mère. Elles lui devaient beaucoup, puisqu’étant pour la plupart analphabètes, elles avaient été aidées par ma mère, qui savait lire et écrire. Elles se sont livrées, parce qu’elles l’ont connue et aimée. La confiance était telle que certaines parvenaient même à oublier la caméra.
Après la projection du film, j’ai reçu des retours de femmes qui avaient vécu des histoires similaires (...)
On ne leur a jamais donné la parole, et ce sont elles qui parlent ici, sans interprétation de leur discours. Des récits comme ceux-là, il n’y en a pas beaucoup. Il est important d’avoir ces histoires, telles qu’elles sont, pour rendre justice à ces voix longtemps restées silencieuses. (...) (...)
À qui s’adresse ce documentaire ?
Au départ, je faisais ce film pour ma famille, mais c’est devenu bien plus que cela. Lors de la première projection dans l’atelier de production, ce qui m’a frappée, c’est que le public français m’a dit qu’il découvrait une histoire qu’il ne connaissait pas. Un élu à Metz, après la projection, a dit : « Je ne connaissais pas cette histoire franco-algérienne ; on ne me l’a pas enseignée à l’école. » (...)
Aujourd’hui, la guerre d’Algérie est un peu enseignée, mais très peu. Mon constat, en tant que citoyenne française, est que nous avons encore des problèmes d’acceptation de l’immigration algérienne. Mes enfants, nés ici d’une mère française, sont encore perçus comme des étrangers. Cette histoire franco-algérienne n’est toujours pas digérée.
Beaucoup d’historiens travaillent sur ce sujet et documentent ces événements, mais il faut aller plus loin. J’ai l’impression que mon film, aussi modeste soit-il, peut beaucoup apporter (...)
Ce n’est pas militant, je n’ai pas envie d’affirmer des choses, ou porter un drapeau. Mais je pense que c’est notre histoire et qu’il faut la raconter. (...)