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Reporterre
Au tribunal de Narbonne, des agriculteurs soupçonnés d’avoir pollué des ruisseaux
#agriculture #viticulture #pollution #eau
Article mis en ligne le 21 octobre 2024
dernière modification le 18 octobre 2024

Six agriculteurs soupçonnés d’avoir épandu des pesticides près de ruisseaux ont comparu devant le tribunal correctionnel de Narbonne. Des dizaines de viticulteurs sont venus les soutenir, et témoignaient de leur mal-être.

Le procès promettait d’être explosif. Jeudi 17 octobre, une compagnie de CRS quadrillait les alentours du tribunal correctionnel de Narbonne, dans l’Aude. C’est là qu’avait lieu le procès de six agriculteurs, accusés d’avoir utilisé des désherbants chimiques dans des zones de non-traitement, près de cours d’eau. Loin de vouloir en découdre, des viticulteurs sont venus par dizaines en soutien, et ont témoigné de leur détresse. « Si vous saviez ce que ça coûte les produits phytosanitaires. Si l’on en épand, c’est que l’on n’a pas d’autres choix », déplorait Lucile Julien, une viticultrice.

En janvier dernier, au point culminant de la révolte des agriculteurs, la Mutualité sociale agricole de Narbonne avait été incendiée à l’aide d’un tracteur et de ceps de vignes. Et une bombe avait été déposée à Carcassonne dans un bâtiment de la Dreal. D’où la crainte des autorités. (...)

Si tous les mis en cause ont reconnu devant la cour avoir traité leur parcelle, tous nient l’avoir délibérément fait en bordure des ruisseaux. Des peines symboliques ont été requises.

« Il va y avoir des suicides, je vous le dis », souffle Jean-Michel Broui, à la tête d’une exploitation viticole de 15 hectares à Saint-Marcel-sur-Aude, venu en soutien devant le tribunal. Pour lui, les contrôles sont une forme d’humiliation. « On diminue les traitements phytosanitaires, on obtient des labels comme celui de Haute valeur environnementale. Et malgré tout, on n’arrive pas à vendre mieux notre production. Alors que le désherbage mécanique nous coûte plus cher ! Rajoutez à cela la sécheresse. On ne s’en sort plus et c’est toujours au même que l’on demande de faire des efforts », énumère-t-il. (...)

« Nous ne sommes pas des pollueurs ! », abonde Lucile Julien, viticultrice, qui a également fait le déplacement. Entre la paperasse administrative toujours plus importante et les contrôles fréquents, elle témoigne aller travailler « la boule au ventre ». (...)

Les cinq viticulteurs — qui ont avoué l’épandage mais nié l’avoir fait près des cours d’eau lors de leur audition libre — ont refusé de payer les amendes allant de 600 à 800 euros. (...)

Le procureur de la République, Éric Camous, a requis des peines d’amende avec sursis pour les agriculteurs qui, comme Sylvain Gonzalez et deux autres agriculteurs, ont expliqué avoir depuis changé leurs pratiques. Le jeune père de famille assure désormais désherber ses parcelles mécaniquement et même avoir « arraché les pieds de vigne proches du cours d’eau ». « Je ne veux plus vivre ça », a-t-il raconté à Reporterre. « Les gendarmes sont venus chez moi, devant mes enfants. Il faut savoir ce que ça fait de se retrouver ici comme un délinquant. Bien sûr que je suis pour que la réglementation soit respectée, mais c’est la façon de faire que je critique. » (...)

Pour les autres, la peine maximale demandée par le procureur est de 800 euros d’amende. Un montant symbolique au vu des six mois d’emprisonnement et d’une amende de 150 000 euros prévue par le Code rural et de la pêche maritime en cas de non-respect des « zones de non traitées ». (...)

Délibéré le 13 décembre.