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Au-delà du débat sur le nucléaire, un angle mort : la crise de l’uranium
#nucleaire #uranium
Article mis en ligne le 6 avril 2024
dernière modification le 2 avril 2024

L’énergie nucléaire suscite en France et en Europe des débats passionnés. Ses partisans mettent en avant les avantages que représente une source d’énergie décarbonée et pilotable, tandis que ses adversaires mettent en regard son caractère anecdotique à l’échelle mondiale face aux dangers qu’il représente en termes de sûreté, de coût et de gestion des déchets.

Dans ce débat stérile, il existe un angle mort qui n’est exploité ni par un camp ni par un autre. Cet aspect tient au système de production du combustible nucléaire – l’uranium – qui est actuellement en proie à des difficultés majeures. Comprendre les contraintes qui pèsent sur les approvisionnements mondiaux en uranium, c’est éclairer d’un jour nouveau les difficultés actuelles d’exploitation et de développement du nucléaire en France et en Europe, sans tomber dans la caricature de certains anti-nucléaire.

C’est aussi cesser les gesticulations politiciennes pour poser le bon diagnostic. Car disons les choses clairement : sans action volontaire de la part des puissances européennes, le nucléaire est condamné à brève échéance sur notre continent. (...)

La production d’uranium est insuffisante pour couvrir la demande civile depuis… 1990. Si ce phénomène peut s’expliquer par des raisons géopolitiques (chute de l’URSS), il en va tout autrement depuis le pic de production de 2016.

En effet, depuis 2016, on observe un décrochage de la production d’uranium (-22 % entre 2016 et 2022) qui atteint 49 000 tonnes en 2022, alors que la demande se maintient quant à elle à un niveau élevé, autour de 65 000 tonnes par an. (...)

Un épuisement des sources d’approvisionnement secondaire (...)

il semble qu’à présent, les stocks d’uranium militaire ont été consommés de manière trop importante pour qu’ils puissent constituer une source d’approvisionnement suffisante pour le secteur civil. Dans le contexte actuel de regain de tensions entre États, on peut aussi penser que ces derniers vont chercher à préserver leurs capacités de dissuasion nucléaire. (...)

L’augmentation de la concurrence internationale pour l’approvisionnement en uranium (...)

On assiste depuis une quinzaine d’années à la montée en puissance de la demande d’uranium en provenance des pays émergents. En raison de l’insuffisance de production, cela induit mécaniquement un effet d’éviction pour les consommateurs historiques, phénomène qui n’existait pas lors de la précédente divergence offre-demande.

Même si la production d’uranium parvenait à rejoindre le niveau de la demande dans les années à venir, on assisterait tout de même à cet effet de chaises musicales : la hausse de la consommation d’uranium des uns se fera au détriment des autres. (...)

Ce resserrement de l’accès à l’uranium en raison d’une production mondiale insuffisante et d’une concurrence accrue entre pays consommateurs semble d’ores et déjà entraîner des conséquences sur plusieurs pays développés (...)

Ce phénomène de contrainte sur les approvisionnements s’observe également en France depuis plusieurs années. Tout comme le Japon, on observe que le pic des importations d’uranium naturel se produit avant le pic de la production électronucléaire.

De manière plus générale, il apparaît clairement que notre approvisionnement en uranium est contraint à la baisse depuis au moins 2003, sans que des raisons politiques puissent être clairement invoquées (...)

L’argument de l’existence de « stocks d’uranium pouvant couvrir plus de 7 ans de production nucléaire » est souvent mobilisé pour couper court au débat sur l’approvisionnement en uranium. Cependant, il est illusoire de se reposer sur ces éventuels stocks pour compenser le déclin de production. (...)

si l’on analyse les rapports annuels d’Euratom, il semble plus probable que le stock mobilisable par EDF si situe autour de 2 ans de production électronucléaire, le solde étant constitué de stocks détenus en France par des entreprises étrangères ou par des fonds spéculatifs. Le stock d’uranium d’EDF est donc tout juste suffisant pour boucler un cycle complet de production de combustible, ce qui ne nous prémuni en rien des chocs sur nos chaînes d’approvisionnement. (...)

La crise du nucléaire français ne prend tout son sens que lorsqu’on considère l’ensemble du panorama mondial : l’insuffisance de la production d’uranium et des stocks impactent directement notre industrie nationale. Plus que jamais il faut cesser de considérer qu’en matière nucléaire, la France est une île coupée des réalités mondiales ! Donnons-nous les moyens de suivre l’évolution physique de l’extraction des différentes matières énergétiques.

Il est urgent de réfléchir à des solutions de court et moyen terme si nous voulons éviter que 30 % de notre consommation d’énergie disparaisse du jour au lendemain. (...)