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Urgence Iran : l’Histoire a-t-elle le hoquet ?
#iran #MahsaAmini #IranRevolution #executions
Article mis en ligne le 8 janvier 2023

Retour sur les deux nouvelles exécutions qui ont eu lieu aujourd’hui, (7 janvier) avec une nouvelle perspective, et un regard dans le sinistre rétroviseur des bourreaux de la République Islamique.

(...) je voudrais oublier quelques minutes que ce sont les gens que j’aime qui vivent ce quotidien, que je parle cette langue, que je porte l’héritage comme les stigmates de ce pays, que j’y ai mon nom sur une boîte aux lettres et une parcelle réservée où être, un jour, mise en terre.

Oublions tout cela. Aujourd’hui je suis comme vous. Une consommatrice occidentale de médias francophones (et anglophones, sinon ça devenait trop compliqué de trouver de quoi donner corps à cet article, j’avoue), et voilà, je me mets à votre place et je me dis, "que s’est il donc passé en Iran aujourd’hui ?" . (...)

En Iran aujourd’hui, donc, deux nouveaux manifestants ont été exécutés.

Je suis à titre personnel fermement opposée à la peine de mort dans tous les cas, mais je crois que même des partisans de la peine de mort, et parmi ceux là, même des gens qui douteraient de l’innocence absolue de ces deux jeunes gens, ne pourraient pas accepter la légitimité de leur arrestation, de leur procès et de leur peine. (...)

Les informations sont là, disponibles sur l’internet mondial, listées et vérifiées par diverses organisations indépendantes de défense des droits de l’homme et associations de juristes et avocats. Il suffit de creuser un peu. Même avec un anglais rudimentaire, on trouve. 

Il est impossible d’être dans le camp du bien, et de comprendre, même à moitié, l’assassinat de ces deux jeunes hommes dont le seul crime avéré est d’avoir manifesté contre la République Islamique, aux cris de "Femme Vie Liberté".

Ces deux hommes ont été enlevés à leur vie et à leur famille, torturés physiquement et psychologiquement (et pour l’un d’eux, harcelé sexuellement) pour leur arracher des aveux (ils étaient accusés d’avoir tué un milicien). Ils ont été privés du droit de choisir un avocat pour les défendre, tout comme du droit de contester leurs condamnations. (...)

Tous deux avaient été "parrainés" récemment par des parlementaires de plusieurs pays européens qui relayaient abondamment leur calvaire, et interpelaient bruyamment, sur les réseaux sociaux et par courriers directs, le gouvernement iranien tout comme leurs propres dirigeants, pour alerter sur et protester contre les conditions de leur condamnation. De nombreux artistes et auteurs avaient pris pour eux la plume et le crayon. (...)

Et puis voilà, ce matin, ils étaient morts.

Le message du régime est clair : nous savons qu’ils sont innocents, nous savons que vous savez qu’ils sont innocents, nous savons que vous savez que nous savons qu’ils sont innocents. (...)

Et nous les pendons quand même, parce que nous le pouvons.

C’est important cette idée, là : "nous pouvons le faire". Les gens du régime aiment l’employer. Je l’ai moi-même entendue plusieurs fois, dans ma jeunesse.

Mais je m’égare. On a dit que j’étais une lectrice française lambda aujourd’hui, alors je citerai plutôt le témoignage publié ce matin par le magazine l’Important (je crois, il faut que je vérifie. En tous cas c’était en français, sur twitter), où une femme iranienne résidant légalement en France se voyait menacée au téléphone par un agent de la RI, en raison de son implication dans les mouvements de soutien à la révolution, mais ici, en France. Quand la dame insiste qu’elle n’a rien fait de mal au regard du droit français, le type la menace de mettre son père, sa mère et sa sœur à Evin (alors qu’eux n’ont rien fait du tout) . Lui aussi, il le dit : "nous pouvons faire ça". (...)

Il n’y a pas d’autre lecture à faire de ce qui s’est passé aujourd’hui. La République Islamique ne négociera avec personne, elle ne réformera rien du tout et ne reculera sur aucun front. Liberté d’expression, corruption, Hijab obligatoire, apartheid de genre, discrimination sociale, religieuse ou ethnique, implication politique, logistique, idéologique et financière dans des entreprises terroristes, obstruction à la justice, chantage au nucléaire, prises d’otage, il n’y a littéralement aucun de ces fronts qui ne laisse entrevoir la moindre lueur d’espoir.

Ce régime ferme toutes les portes et ne s’embarrasse même plus de discrétion. Il les claque. (...)

Certes, le guide Suprême a changé (ne vous laissez pas tromper par l’apparente homophonie, comme certains créateurs de contenus peu rigoureux qui croient que le dictateur actuellement en place est le même que celui qui a bouté le Shah hors d’Iran il y a 44 ans. Certes, la haine, ça conserve, mais quand même, ça ferait vieux) mais certains protagonistes de 1988 sont encore bien présents, et au plus haut niveau de l’état. 

Par exemple, l’actuel président Raïssi, qui était encore surnommé le boucher ou l’exécuteur à l’époque où sa candidature a la présidence a été validée par le guide suprême. Les lecteurs français ont pu lire son portrait dans le numéro spécial du magazine "M", vendu avec le Monde du dimanche, en décembre. Encore une fois, facile à trouver. (...)

Il était déjà là, et déjà à l’époque (il n’avait que 19 ou 20 ans), il était prêté à exécuter la jeunesse de son pays, par centaines, et sans états d’âme, comme du bétail contaminé. 

Et c’est avec ce même homme, enrichi de 44 années de plus dans les hautes sphères du fascisme à l’Iranienne, que nos dirigeants entendent aujourd’hui continuer de parlementer ? (...)

N’avons nous donc rien appris de notre propre histoire ? (...)

La République Islamique a baissé le rideau de l’internet sur ses crimes d’aujourd’hui, mais nous ne sommes pas démunis, nous avons avons les témoignages que d’autres ont laissés pour la postérité. Regardez, lisez, écoutez. Pleurez avec eux si nécessaire. 

Il se passe la même chose et pire, dans les prisons et les rues de l’Iran d’aujourd’hui. 

Allons nous fermer les yeux et réaliser un documentaire avec les survivants, en 2046 ?

Ou bien avons nous compris la leçon ? (...)