
Devant son ordinateur dans un vaste atelier éclairé par des verrières au sein de l’usine Lener-Cordier à Hazebrouck (Nord), Nadia Kotova juxtapose adroitement les pièces de drap à couper pour faire un manteau taille 38 avec le minimum de chutes.
C’est le même travail qu’elle faisait à Kiev jusqu’au 24 février, dans le bureau d’études ukrainien de ce groupe familial français qui fabrique des manteaux, vestes et autres trenchs pour de nombreuses marques.
Le quartier a été bombardé, et l’atelier de Kiev est fermé depuis un mois.
"On s’est enfuis à Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine, et M. Lener nous a proposé de venir en France", explique Mme Kotova. "On ne voulait pas partir : il y a mon mari, le mari de ma fille, mon frère là-bas... mais il y avait le travail, et il fallait mettre les enfants en sécurité". (...)
Comme elle, sept collègues ou ex-collègues sont arrivées avec des proches - soit 16 Ukrainiens depuis le 9 mars. Cinq de ces employés ont rapidement repris leurs fonctions au sein de l’entreprise.
Comme en témoignent les couleurs bleue et jaune très présentes dans ses locaux, Lener-Cordier entretient des liens de longue date avec l’Ukraine. Le groupe y est implanté depuis 1994 et y produit la majorité de ses manteaux, employant 250 salariés dans une usine installée dans l’ouest du pays depuis 2004. (...)
Cette usine, épargnée par les combats, fonctionne toujours, et Lener-Cordier s’efforce de continuer à produire en Ukraine. "Mais il faut réfléchir au temps d’après", souligne le PDG, Fréderic Lener, évoquant relocalisation ou recherche d’autres sites à l’étranger.
Le groupe s’est appuyé sur ses équipes locales pour expédier de l’aide humanitaire par camions, rejoint par des producteurs de textile français réunis dans l’association Façon de faire, des sociétés de grande distribution ou de simples particuliers, venus déposer une palette de pommes de terre ou des médicaments.
– "A la maison c’est mieux" -
Une fois les salariées du bureau d’études en sécurité hors de Kiev, "s’est posée la question : comment fait-on si notre bureau d’études est fermé en Ukraine ?", explique M. Lener. "Certaines avaient déjà décidé d’aller en Pologne. Je leur ai proposé de venir en France et d’organiser leur accueil".
"Ce sont des gens qu’on connaît depuis plus de 20 ans, des salariés, des collaborateurs, certains sont devenus des amis, c’était évident comme démarche, ça s’est passé très spontanément", souligne-t-il. "Ils ont été très bien accueillis". (...)
Pour le moment, les cinq salariées sont considérées comme étant en mission. Et tous les membres du groupe sont en train de s’enregistrer en France, tout en gardant l’espoir de rentrer bientôt en Ukraine. (...)