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Une commune bretonne impose l’agriculture bio et paysanne à 400 propriétaires
Article mis en ligne le 29 janvier 2020
dernière modification le 28 janvier 2020

En recourant à une procédure méconnue du Code rural, le maire de Moëlan a permis de mettre en culture des parcelles agricoles privées laissées à l’abandon. En deux ans, une trentaine d’emplois ont été créés et l’autonomie alimentaire de la commune s’est renforcée.

Coup de force ou idée de génie ? À Moëlan-sur-Mer (7.000 habitants), dans le Finistère, la municipalité pousse plus de 400 propriétaires à louer d’anciennes terres agricoles inoccupées à des paysans. Objectif : stimuler l’économie locale via l’agriculture biologique, tout en luttant contre la forte spéculation foncière et l’artificialisation des sols.

Les élus utilisent une procédure méconnue du Code rural, jamais employée à une telle échelle : la mise en valeur de terres incultes. C’est une initiative publique enclenchée dans l’intérêt général, qui peut aller jusqu’à l’obligation de mise en culture. Résultat : des paysans s’installent en agriculture bio sur ces friches agricoles, trop heureux de passer outre la pression foncière qui constitue un frein majeur au développement de l’agroécologie.

La perte de terres agricoles est massive en Bretagne (...)

En plus de relocaliser l’économie, l’élu veut « reconstruire la mosaïque paysagère d’autrefois » et favoriser le retour de la biodiversité dans sa commune. L’initiative, « une première », est scrutée par le ministère de l’Agriculture et les collectivités locales, assure le maire.

La démarche est « reproductible partout », ajoute Lysiane Jarno, animatrice-coordinatrice de Terre de liens en Bretagne. Pour elle, il est urgent de remettre en culture ce foncier agricole en friche. Car ces terres « empêchent l’autonomie alimentaire fondée sur l’agriculture bio, locale et respectueuse des territoires ». (...)

Rien que dans le Finistère, « le département estime à plus de 60.000 hectares la superficie des friches agricoles sur son territoire ».

« Redonner leur vocation agricole à ces parcelles très fertiles » (...)

En 2014, Marcel Le Pennec a été élu maire. Voyant la mer se vider et le port de Moëlan n’abriter plus que quatre bateaux de pêche, il s’est tourné vers la terre. Son but : « Redonner leur vocation agricole à ces parcelles très fertiles. »

C’est là qu’Erwan Gourlaouen, conseiller municipal et ingénieur agronome, a proposé « un truc qui n’a jamais été fait mais qui existe dans le Code rural » (...)

Le maire a présenté son projet aux habitants : agriculture bio, débouchés locaux, préservation d’une partie des friches. « Dans le cahier de doléances laissé à disposition à la mairie », les propriétaires concernés ont plébiscité le bio, relate l’élu.

C’est le début d’une aventure de cinq ans. Informé de cette volonté de recourir à la procédure du Code rural, le conseil départemental du Finistère a chargé une commission d’aménagement foncier de recenser les zones dans lesquelles il serait d’intérêt général de remettre en valeur les parcelles incultes (en friche) ou manifestement sous-exploitées (sans véritable valorisation agricole).

Résultat : 120,4 hectares correspondant à plus de 1.200 parcelles ont été choisis. Soit un gros tiers des 350 hectares de terres agricoles inoccupées de la commune. Le reste a été laissé à la nature. Dans la foulée, le département a créé une commission communale pour mener à bien le projet. Celle-ci consulte les propriétaires concernés, avant de déterminer si leur parcelle doit rester en friche ou avoir un usage agricole. (...)

Sans le fameux article du Code rural, l’installation de ce maraîcher sur les friches aurait été impossible : ces terres concernent plus de 30 propriétaires ; des particuliers, qui, pour certains, espèrent bien revendre leur parcelle si proche de la mer à prix d’or, pourvu qu’elle devienne un jour constructible.

C’est là tout l’intérêt du projet conduit à Moëlan : les pouvoirs publics (municipalité, département, région, préfecture) s’unissent pour regrouper de petites parcelles en lots cultivables. Et obligent tous les propriétaires à les mettre en culture eux-mêmes ou à les louer à des paysans. (...)

Le dialogue peut être compliqué entre les partisans du projet et ses détracteurs, des opposants très minoritaires selon le maire et Terre de liens. Pétition contre l’initiative municipale, recours devant le tribunal administratif, confrontation par articles interposés dans la presse locale... Et même des « menaces » et « intimidations » subies par des élus au début de l’initiative, ajoutent certains d’entre eux. (...)

Reste que « tous les propriétaires conservent la propriété des terres », rétorque Lysiane Jarno, de Terre de liens. L’association et le Groupement des agriculteurs biologiques du Finistère ont mené des ateliers afin, notamment, d’accompagner les propriétaires pour que le projet corresponde dans la mesure du possible à leurs besoins. Le maire admet que la procédure peut être perçue comme « violente » par les propriétaires. En tout cas, pour l’heure, les opposants n’ont pas pu empêcher le projet de suivre son cours. (...)