La course effrénée à l’austérité se poursuit en Europe. Les oligarchies financières s’obstinent au nom de la concurrence et de la compétitivité à accabler les peuples européens, les assujettissant à la pauvreté.
En Allemagne, les employés sans emploi fixe comme moi sont les principales victimes de la crise. À 29 ans, la lourdeur de la bureaucratie a brisé ma vie", lance avec amertume Marcel Muller, diplômé en sciences linguistiques. (...)
"À l’Agence pour l’emploi, quand je me suis inscrit, j’ai découvert que je n’étais plus un citoyen ordinaire disposant de ses droits élémentaires. Sous prétexte que l’État verse une pension, on doit accepter n’importe quel travail. Si pour une raison ou une autre, on ne suit pas les propositions de son conseiller, la sanction est immédiate : une réduction de 30 à 100% de l’allocation." Marcel fait partie de ces bataillons de travailleurs pauvres. Ces contrats précaires à temps partiel, dont la rémunération est inférieure à 400 euros par mois. Ces minijobs à salaires très bas sont aussi accusés d’empêcher parfois la création de vrais emplois en Allemagne. (...)
Comparé au taux de chômage en France, 10%, le taux de chômage en Allemagne reste faible, 5,4%. Si les contrats précaires font artificiellement baisser le taux de chômage, la pauvreté ne cesse, elle, de se développer. À Berlin, les associations, comme le Tafeln ou Volkssolidarität fournissent, chaque mois, des milliers de repas aux plus démunis, touchés par la hausse du prix des aliments et l’explosion des loyers. Selon un rapport de l’institut WSI de Düsseldorf, publié en novembre 2012, un enfant sur trois vit à Berlin sous le seuil de pauvreté. En Allemagne, ils sont 1,86 million. La relative réussite économique allemande a donc un prix : le sacrifice de centaines de milliers de travailleurs. (...)
La population grecque est aujourd’hui soumise à une cure d’austérité sans précédent, dans une union économique et monétaire, la zone euro, qui ne ménage pas ses citoyens pour répondre à ce qui est appelé la crise de la dette. "La pauvreté augmente chaque jour et touche chaque famille. Nous vivons sans pouvoir faire de projet d’avenir, témoigne Aphroditi de l’association grecque EEDDA (Greek Committe for International Democratic Solidarity). À cause du manque d’emploi, le chômage ayant franchi la barre des 25%, la plupart des jeunes songent à quitter le pays pensant trouver ailleurs une vie meilleure." Sans relance, sans argent, sans croissance, l’Europe et ses États membres poursuivent inlassablement les politiques d’austérité, notamment pour contenir les déficits budgétaires à moins de 3% du produit intérieur brut de chaque pays. (...)
Le directeur du Département économie de la mondialisation de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Henri Sterdyniak, évoque la finance comme un "fauve sorti de sa cage" impossible à maîtriser. "Les banques ont été renflouées par les États. Aujourd’hui, ce sont elles qui ont repris le pouvoir et contrôlent les dettes publiques, complète l’économiste Antoine Math. Il est simple de comprendre pourquoi les politiques de rigueur sont plutôt défavorables aux salariés." Pour Henri Sterdyniak, "Les stratégies mises en œuvre par la Commission européenne et le Conseil européen de poursuite des politiques d’austérité ont échoué. Elles sont suicidaires, accentuant les inégalités. Elles brisent la croissance, fragilisent les banques européennes, et ne rassurent pas les marchés. La spéculation peut alors se développer, en jouant sur la faiblesse de la réaction des autorités européennes. Il faudrait une action forte et résolue pour la briser." Or, l’Europe en semble incapable. (...)
Toutes les statistiques sur la pauvreté en Europe pointent une aggravation de la situation. "Les signaux qui viennent des associations humanitaires arrivent plus rapidement et sont inquiétants", relève Ramon Peña-Casas. Dans son rapport publié en 2012, le Secours catholique alerte sur la paupérisation des familles. Les Restos du cœur, eux, font état de 25% de personnes en plus accueillies dans les trois dernières années. Les mêmes constats sont faits au Secours populaire qui enregistrent des augmentations se situant entre 10 et 30% selon les permanences d’accueil. "Chaque semaine, nous voyons une dizaine de nouvelles familles qui ont besoin d’être aidées", s’indigne Janine, responsable du comité du Secours populaire de Morsang-sur-Orge, dans l’Essonne.
Malgré tout, l’Europe menace de réduire son aide alimentaire aux plus démunis, alors qu’il faudrait un choc de solidarité ! (...)