
L’Unadev, principale organisation de malvoyants en France, est depuis 2016 accusée notamment d’« abus de confiance » et d’« extorsions ». Alors que l’enquête s’accélère, l’instabilité s’est accrue avec des démissions en cascade, la mort du directeur général et un présumé infanticide dans ses locaux.
« On a touché le fond. » De nombreux adhérents de l’Union nationale des aveugles et déficients visuels (Unadev), principale association de malvoyants en France, dressent un constat alarmant. En 2016, déjà, plusieurs d’entre eux brisaient le silence en portant plainte pour « abus de confiance », « abus de biens sociaux », « pratiques discriminatoires », « extorsion », « travail dissimulé », « exercice illégal de la médecine » et « mise en danger de la vie d’autrui ». De surprenants griefs pour une association d’envergure nationale (huit antennes régionales) et dont les missions englobent l’accompagnement social, l’aide à domicile ou encore la recherche médicale. Reconnue d’assistance et de bienfaisance par l’Etat, l’Unadev dispose d’un budget de plus de 30 millions d’euros, constitué de dons à près de 90 %.
Trois ans plus tard, l’enquête suit son cours après l’ouverture d’une information judiciaire par le parquet de Bordeaux. Mais alors que les premières convocations ont commencé à tomber, le directeur général est mort en janvier d’une crise cardiaque et les langues continuent de se délier dans un contexte d’extrême instabilité. Démissions en cascade, révocation de la présidente par intérim, multiplications des arrêts maladie, grève des salariés… La liste s’allonge depuis un an. Coup de théâtre supplémentaire, l’Unadev a perdu l’été dernier son label « don de confiance » délivré un an plus tôt par le Comité de la charte du don en confiance. L’association - un organisme indépendant de contrôle des associations et des fondations - estime « ne plus être en mesure de garantir la confiance du public et des donateurs concernant l’Unadev », notamment sur la transparence. (...)
En 2014, la publication d’un rapport de la Cour des comptes avait déjà provoqué un tollé en mettant en lumière de « graves défaillances » et des dépenses engagées grâce aux dons « non conformes aux objectifs poursuivis par l’appel à la générosité publique ». La sortie d’un second rapport de la Cour des comptes en juillet 2018 a douloureusement ravivé les soupçons. Et l’association a de nouveau tremblé. Bilan : si les dépenses engagées par l’Unadev au cours des exercices 2012 à 2016 apparaissent « conformes aux objectifs », le rapport pointe « d’importants dysfonctionnements qui persistent ou sont apparus depuis ». En ligne de mire : de sérieux problèmes de gouvernance. (...)
Plusieurs adhérents révèlent en outre que le trésorier a été écarté en juin 2018 sans respect de « la présomption d’innocence » et « sans avoir la possibilité de s’expliquer » pour des faits de « harcèlement sexuel », quelques mois après avoir fait part de ses interrogations sur la gestion. « Au moment de son exclusion, il a été assuré que plusieurs plaintes avaient été déposées au parquet. » Or à ce jour, l’autorité en question n’en a toujours pas eu connaissance. Dans les mois qui ont suivi, plusieurs administrateurs ont présenté leur démission en faisant part de leurs doutes. (...)
Il y a quelques semaines, les tensions ont de nouveau éclaté au siège à Bordeaux lorsqu’une partie du personnel a remis en cause « les missions de l’Unadev » et souligné « l’illégitimité des décisions arbitraires prises par le conseil d’administration ». Près d’un tiers des salariés a fait grève.
« Déni de grossesse »
En décembre, la crise au sein de l’association a pris un tour dramatique. Une femme hébergée dans l’une des chambres mises à disposition des bénéficiaires au siège a accouché sur place. Selon un proche de la direction, elle aurait ensuite tué son bébé. Si la responsabilité de l’Unadev n’est pas établie, des adhérents s’interrogent : « Où était le gardien ? Pourquoi a t-elle été laissée seule alors qu’elle était enceinte jusqu’aux yeux ? Comment une association de bienfaisance peut-elle manquer à ce point de vigilance ? » Une information judiciaire distincte a été ouverte par le parquet de Bordeaux. (...)