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Un pacte pour lutter contre la vulnérabilité des migrants
/Ethnotopies
Article mis en ligne le 3 janvier 2019

Si le « pacte mondial pour des migrations sûres et ordonnées » a fait du bruit , c’est en partie pour de mauvaises raisons… Gouvernants qui claquent la porte, voix d’extrême droite qui crient au scandale en agitant des angoisses collectives ont recouvert de leur verbiages les mots et le vœux de membres de l’ONU qui ont engagé moralement 150 pays pour améliorer la situation des migrants, de tous, femmes, hommes, enfants du monde entier.

Ce pacte arrive à un moment symbolique de l’histoire des migrations et de la défense des droits de l’homme, des droits humains devrait-on dire. Laissons de côté les images et les articles pourtant terrifiants sur l’actualité des migrants et écoutons, encore une fois, ce que les migrants vivent et racontent dans nos consultations et ce que les soignants partagent entre eux lors de réunions collectives : le contexte s’est aggravé et l’on assiste désormais à des situations que l’on aurait même pas imaginées il y a quelques années : jeunes isolés à la rue, patients soignés non reconduits dans leur demande de séjour, familles séparées, hommes jeunes à la rue sans soutien, femmes et enfants sans droit dans les couloirs des foyers, adultes en attente de réponse de la CNDA… bref, c’est un long chapelet de malheurs que nous pouvons égrener, un contre-inventaire aux arguments qui fondent une politique inhospitalière.

Nous sommes alors impuissants et inquiets, doutant de nos capacités à porter et accompagner ceux qui sont écrasés par une politique nationale méprisante pour les plus faibles, menaçante pour nos dispositifs de soins. Cette situation n’est pourtant pas extraordinaire puisqu’elle est commune à tous les pays occidentaux qui repoussent à leurs frontières ceux et celles qu’ils considèrent comme des indésirables, pire, comme des objets sans valeur.

Pourtant, des savants comme François Héran[1] nous disent avec l’objectivité qui les légitime que le danger des migrations est très exagéré. Des anthropologues et des philosophes comme Michel Agier (2018), Guillaume Le Blanc et Fabienne Brugère (2018) nous invitent à repenser l’hospitalité… Ainsi, là où les sciences humaines nous convient à la créativité et à des solidarités heureuses, les politiques persistent dans leur stérile et honteuse frilosité face à une réalité qui demande courage et imagination.

Ce pacte devrait nous donner des raisons d’espérer, arrivant au moment du 70ème anniversaire de la déclaration des droits de l’homme. L’esprit de cette belle déclaration est celui de la primauté de la personne sur l’Etat, celui qui met à l’honneur l’importance ontologique de l’homme (et de l’humain bien sûr, incluant la femme). Elle est un consensus majeur sur la dignité universelle de l’homme, sur la limitation des pouvoirs des hommes entre eux et de l’Etat sur l’humain. C’est une grande invention pour permettre la cohabitation des hommes entre eux, et limiter leurs négativités qui engendrent des violences destructrices[2]. Cet idéal moral et sociétal nous impose de sauver des vies à nos frontières, de protéger les plus faibles et les plus vulnérables.

Contrairement à ce qu’affirme de façon mensongère l’extrême droite, ce pacte n’est pas un « droit à l’immigration ». Il est l’aboutissement de débats et de concertations entre des Etats, des autorités locales, les sociétés civiles et des migrants eux-mêmes pour une approche commune des migrations internationales.
« Faire en sorte que les migrations profitent à tous », voici le vœu d’Antonio Gutteres, le secrétaire général des Nations Unies lors de la journée internationale des migrants, pour encourager à suivre les recommandations du Pacte mondial pour les migrations. Dans l’esprit des droits humains universels, il est un appel à un idéal qui est non contraignant pour les Etats. Il engage moralement des Etats à lutter contre la traite humaine et faire en sorte que les migrations soient le moins « irrégulières » possibles.

Parmi ses 23 objectifs[3], examinons le 7ème intitulé « S’attaquer aux facteurs de vulnérabilité liés aux migrations et les réduire ».
Il s’agit bien de comprendre la vulnérabilité comme un état potentiel pouvant concerner chacun d’entre nous, et dont la définition ne doit pas enlever la responsabilité politique des exclusions, des précarités insupportables que vivent les migrants de leur pays d’origine aux pays d’accueil en passant par leur chemin migratoire. En l’occurrence, il est fait la part belle aux enfants et à leur « intérêt supérieur », et aux « problématiques femme-homme ».
Ainsi, nous attirons l’attention de nos gouvernants sur ces questions auxquelles nous sommes particulièrement sensibles et engagés.
Sur les enfants : pour qu’ils ne soient pas séparés de leurs parents, pour qu’ils soient protégés où qu’ils soient..., nous sommes encore loin de cet idéal sévèrement remis en question par les agissements d’un Trump n’hésitant pas à le piétiner. Et même si les enfants migrants sont encore épargnés par ce degré de violence, ils peuvent tout de même se retrouver en France dans la rue ou victimes de violence institutionnelle qui les sépare de leurs parents.
Sur les femmes[4] : pour que les violences dont elles sont les objets, parce que femmes, soient reconnues et qu’elles puissent jouir d’une protection durable. Le chemin sera encore long pour atteindre cet idéal tant la peur de créer « un appel d’air » est tenace.

Le pacte désormais signé, c’est à nous, citoyen-ne-s, associations de rappeler à nos gouvernants qu’il existe !