Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Non-Fiction
Un homme à la mer
Article mis en ligne le 23 septembre 2017
dernière modification le 22 septembre 2017

Très éloigné des Caraïbes et de l’imagerie véhiculée par Disney, L’homme aux bras de mer, itinéraire d’un pirate somalien suit le parcours de Mohamed, un pêcheur de 27 ans devenu pirate, puis prisonnier, aujourd’hui migrant.

Ce reportage dessiné de Simon Rochepeau et Thomas Azuélos décrit l’engagement de Maryvonne pour l’aider à quitter sa geôle et entreprendre une insertion professionnelle. Le format bande dessinée prend le temps de développer la funeste trajectoire qui a conduit le jeune homme en Bretagne.

La temporalité, longue de huit ans, est atténuée par le caractère elliptique du médium. La partie graphique emprunte l’aquarelle, un noir et blanc que soulignent quelques couleurs bretonnes, gris bleu et gris vert granit, une sobriété en adéquation avec le sujet. Ainsi, le découpage divise les planches en plans rapprochés. Chaque cadrage évoque la volonté de Maryvonne ou le désarroi du somalien. Des cases « plus » artistiques en pleines pages permettent l’évasion. (...)

Mohamed devient narrateur. En Somalie, il a goûté l’école coranique, les châtiments corporels à coups de trique et la privation de nourriture. Son apprentissage du maniement de la Kalachnikov, omniprésente, a commencé à 12 ans. Après le passage désastreux du tsunami, il embauche pour un caïd local qui pratique ostensiblement la piraterie, un usurier à qui il doit rembourser le bateau perdu. Plusieurs tentatives professionnelles se révèlent infructueuses, Mohamed saute le pas. Le mode opératoire débute par le « classique » abordage, s’ensuit une demande de rançon, ou le détournement vers la côte pour naufrager avant le pillage. Avril 2009, pour son premier mauvais coup, les échelles destinées à aborder le porte-conteneurs sont trop courtes. Les cinq comparses se retrouvent au milieu de l’Océan, à 900 km des côtes somaliennes, avec un téléphone satellite, un GPS, quelques munitions dans un sac plastique, peu d’essence et aucune provision.
Ils croisent la route du Tanit, voilier piloté par Florent Lemaçon, pilote et propriétaire, de sa femme Chloé, de leur enfant et de 2 amis. Les pirates grimpent à bord et séquestrent le groupe, demandent une rançon et mettent le cap sur la terre ferme. Depuis Paris, afin d’éviter que les négociations ne s’enlisent à terre, le ministre Hervé Morin donne l’ordre d’assaut. Quelques secondes durant lesquelles Florent Lemaçon est tué par une balle française. Capturés, Mohamed et deux complices rescapés sont conduits en France.
Dans une brasserie de Plœmeur, Maryvonne et maître Lahaie devisent. L’avocat commis d’office égrène les faits : le décès du pilote, l’anarchie somalienne – pas d’État, pas de loi, pas d’ordre, pas de collaboration avec les autorités françaises – signifient l’enquête impossible, avec un risque de perpétuité . Après 3 ans de préventive et de soutien, Maryvonne obtient sa libération sous contrôle judiciaire (juin 2012). Le procès débute le 14 octobre 2013 à la cour d’Assises de Rennes. Inculpé pour détournement de navire par violence ou menace, arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire de plusieurs personnes commis en bande organisée , le verdict tombe : neuf ans ferme. (...)