Quand un observatoire dévoile les pratiques et les intérêts des puissants, il s’expose à des réactions qui l’entraînent dans une confrontation juridico-financière à armes inégales. Cette mésaventure vient d’arriver à l’Observatoire des sondages.
Le 17 mars 2012, l’Observatoire des sondages mettait en ligne un article titré « La deuxième mort de l’IFOP » qui met en cause les « affinités idéologiques » du PDG de Fiducial, commanditaire de sondages dont la visée et la validité sont des plus discutables :
« Le rolling poll du 16 mars 2012, réalisé par l’Ifop et Fiducial est donc un sondage payé par l’entreprise de la présidente du MEDEF et un grand groupe d’expertise comptable dirigé lui par Christian Latouche dont les affinités idéologiques avec l’extrême droite sont bien connues. Spécialiste du conseil juridique et financier aux entreprises, le groupe Fiducial paye également les sondages Opinionway, dont la dernière livraison annonce Nicolas Sarkozy à égalité au premier tour de la présidentielle avec François Hollande avec 27,5 % d’intentions de vote (Opinionway-Fiducial-Le Figaro-LCI, 16 mars 2012). »
Ces quelques lignes factuelles et anodines déclenchent le dépôt deux mois plus tard d’une plainte pour diffamation publique de Christian Latouche (77e fortune française en 2015 selon Challenges, fondateur et PDG de Fiducial) et de la société Fiducial (en 2014 : chiffre d’affaires de 1,8 milliard d’euros, 17 500 personnes) contre Alain Garrigou, directeur de la publication de l’Observatoire des sondages (animé par des bénévoles).
C’est le début d’un marathon judiciaire de plus de trois ans et demi (...)
En mars 2013, Alain Garrigou avait anticipé et résumé ce qui vient de se passer : « On a affaire à des poursuites-bâillons [...]. Cette stratégie consiste, pour des citoyens riches, ou des entreprises, à attaquer leurs critiques sur le terrain judiciaire. Rejouant la partie du pot de fer contre le pot de terre, ils tentent ainsi d’imposer à leurs adversaires des frais judiciaires démesurés. Quant à eux, ils ne risquent pas grand-chose, puisque leur fortune leur permet de perdre en justice. Ils soulignent le danger de s’en prendre à eux, même avec de bonnes raisons. »
Et l’Observatoire des sondages de préciser les conditions de la reprise de son activité : « Le modèle totalement bénévole de l’Observatoire des sondages ne répond malheureusement pas aux conditions restreintes de la liberté d’expression en France. Pour répondre à la menace ainsi encouragée par le système judiciaire, l’Observatoire des sondages lance une souscription (...)
Pour souscrire, c’est ici :« Soutenir l’Observatoire des sondages face aux tentatives d’intimidation »