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Jean-Marie Harribey pour Alternatives Economiques
Taxer le soleil, le travail ou taxer la bêtise ?
Article mis en ligne le 21 mars 2014
dernière modification le 18 mars 2014

Mon attention a été attirée par un article du Monde de l’Éco&Entreprise daté du 15 mars 2014, intitulé « Quand l’État taxait le soleil » et signé par Jean-Marc Daniel. Il raconte les débuts de l’invention de la fiscalité sur le patrimoine au moment de la Révolution : dans les villes, la richesse se mesurait au nombre des portes et fenêtres des habitations et des demeures de luxe. Heureusement, on s’aperçut assez vite que le murage des ouvertures pour limiter la base fiscale avait un gros inconvénient : le soleil et la lumière n’entraient plus dans les maisons, avec un risque de santé évident. Mais ce qui reste étonnant, c’est la manière dont cette mesure est racontée : on taxait trop le soleil. Ce raccourci en rappelle un autre, bien actuel, qui est dans toutes les bouches et sous toutes les plumes : on taxerait trop le travail. Or, cette notion révèle beaucoup des impensés de l’économie.

(...) Dites-nous ce que vous taxez et nous vous dirons qui vous êtes ou pour qui vous roulez

À droite comme à gauche, il est devenu de bon ton de dénoncer le fait que le travail serait trop « taxé », entraînant pour les uns un « coût du travail trop élevé », et pour les autres… un « coût du travail trop élevé » également. Cette similitude a quelque chose à voir avec la confusion entre la source d’un prélèvement et l’assiette de celui-ci. Tout prélèvement est effectué sur le flux de revenu engendré pendant une période donnée. Et comme tous les revenus sont engendrés par le travail humain, on ne peut prélever, donc « taxer », que le fruit de ce travail. Mais, ensuite, se pose le problème de décider quelle sera l’assiette du calcul du prélèvement. Ainsi, en ce qui concerne par exemple les cotisations sociales, leur assiette peut-être les salaires versés aux travailleurs, ou bien les salaires comprenant une partie des cotisations (salaires dits bruts en novlangue, ce qui en dit long sur la perversion du vocabulaire), ou bien la masse salariale plus les profits (c’est-à-dire la valeur ajoutée). Autre possibilité encore : les cotisations peuvent être prélevées au moment de la distribution des revenus, à l’instar de la CSG, avec une plus ou moins grande déductibilité, ce qui réduit la différence avec un impôt.

Mais, dans tous les cas, on a « taxé » le travail, puisque toute valeur en provient. Seule diffère l’assiette, c’est-à-dire qui, parmi tous les agents titulaires de revenus, en supportera la charge. Prélever en amont, près de la répartition primaire des revenus, ou plus en aval, après celle-ci, n’est donc pas neutre socialement et fiscalement. (...)

Taxez la bêtise et vous taxerez toujours le travail

Le problème précédent se retrouve avec tout type de fiscalité. L’exemple de la fiscalité dite écologique le montre encore. Si on décide de taxer la pollution, ou bien l’utilisation de telle ou telle ressource naturelle, ce n’est pas la ressource qui « paiera ». Le soleil ne paie rien. Ce qui paiera, c’est le travail dont l’activité aura engendré un revenu dont une part sera prélevée soit pour dissuader l’activité, soit pour l’encourager. Et le calcul de l’assiette dira si cette part sera acquittée par l’entreprise, sans qu’elle puisse la répercuter dans le prix final, ou par le consommateur si cette répercussion a lieu.

Le magazine du week-end du Monde daté du 15 janvier 2014 nous signale (c’est fou ce qu’on apprend dans ce truc inutile sur papier glacé) que se développe une pratique sidérante aux États-Unis ; de plus en plus de parents affublent leurs enfants de prénoms reprenant des noms d’armes à feu : Colt, Remington Beretta, Shooter, Magnum, Wesson… 5000 nouveaux-nés voués à tuer pour la seule année 2012. Dix fois plus qu’en 2002. Cela doit faire « tendance »…

Einstein disait que, pour avoir une idée de l’infini, il fallait regarder la bêtise humaine. Si on « taxait » celle-ci, on aurait une grosse assiette, mais ce serait toujours le fruit du travail qu’on prélèverait.