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Syndicat des avocats de France : DROIT DE REPONSE POUR UN DROIT A LA PAROLE
/SAF
Article mis en ligne le 21 décembre 2013

LETTRE OUVERTE

A MONSIEUR LE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR

ET MESDAMES ET MESSIEURS LES PARLEMENTAIRES

Par un rapport remis le 28 novembre dernier au Ministre de l’Intérieur, Madame Valérie Létard, Sénatrice (UDI) et Monsieur Jean-Louis Touraine, Député (PS), proposent une réforme de l’asile.

L’esprit même de ce rapport est une remise en cause du droit d’asile :

 mention de l’augmentation du nombre de demandes d’asile en France qui serait liée à une « immigration économique massive », ne permettant plus de distinguer les « vrais » des « faux » demandeurs d’asile ;

 déclaration politique plus que juridique sur « l’autonomie du droit d’asile par rapport aux questions migratoires (qui) doit être garantie » (cf. page 33) ;

 mise en accusation des demandeurs d’asile eux-mêmes qui « dévoient » les procédures d’asile : la demande d’asile ne serait que le préalable au dépôt d’une demande de titre de séjour en qualité d’étranger malade (cf. page 32) ;

- En réalité, le but affiché de la réforme de l’asile telle que préconisée par les rapporteurs est de « dissuader ces demandes qui, pour compréhensibles qu’elles soient, ne relèvent pas d’un besoin de protection au sens des instruments internationaux, participent à une dilution du droit d’asile et contribuent à alimenter les amalgames et les phénomènes de rejet » (p. 39).

Cette affirmation péremptoire, Madame la sénatrice, Monsieur le député, selon vous, « s’expliquerait incontestablement par la pauvreté, l’instabilité et les discriminations qui existent dans certains pays d’origine ainsi que par l’attrait que peuvent exercer les pays aujourd’hui les plus développés » (cf. page39) : pourtant aucune étude qualitative ni quantitative indépendante ne vient au soutien de ce raisonnement.

Tous les rapports des ONG le démontrent : la demande d’asile est la conséquence d’un monde en conflit  : guerre civile au Sri Lanka, en République démocratique du Congo, en Afghanistan, oppression politique au Kosovo, en Russie (Tchétchénie), au Bangladesh…

Vos propres chiffres, Madame la sénatrice, Monsieur le député, page 18 de votre rapport, en sont la démonstration tragique.(...)

Vous prétendez, Madame la sénatrice, Monsieur le député avoir donné des informations objectives sur l’asile et sur sa réforme.

Il n’en est rien.

Tous les acteurs de l’asile n’ont pas été entendus. Ni les réfugiés ni les avocats.

Il est particulièrement inquiétant d’observer que le pouvoir législatif (mission parlementaire), d’un côté, et le pouvoir exécutif (Ministre de l’Intérieur), de l’autre, s’entendent pour critiquer la mission des avocats et proposent de restreindre les droits de la Défense alors qu’aucune institution représentative des avocats (Conseil National des Barreaux), ou association et syndicat d’avocats n’a été invité à siéger ni au comité de concertation, ni aux groupes de travail, y compris celui qui portait sur la procédure devant l’OFPRA et devant la CNDA.

Ainsi page 56, Madame la sénatrice, Monsieur le député vous êtes « frappés (sic !) par le rôle particulier joué par les avocats à la Cour nationale du droit d’asile ».

Vous auriez dû les interroger, vous auriez peut-être été touchés par leurs difficultés, mais surtout sonnés par les situations humaines des demandeurs d’asile.(...)

la défense d’un réfugié exige de connaitre le parcours et les persécutions subies par le demandeur d’asile. Cela exige une écoute qui ne se satisfait pas d’un entretien de cinq minutes avant l’audience ;
le délai de transmission des pièces à la Cour de trois jours francs (portés à 5 ou 10 jours dans le décret du 16 août 2013) ne permet pas la désignation d’un avocat le jour même de l’audience ;
un avocat inconnu du requérant, et qui ne connaît pas le dossier, ne peut être imposé à quiconque (...)

Toutes ces fausses informations, Madame la sénatrice, Monsieur le député vous ont été livrées par une seule institution :

celle qui a intérêt à se débarrasser des avocats et qui rend des ordonnances sans entendre les personnes plutôt que de convoquer les demandeurs d’asile en audience,

celle qui a intérêt à proposer des audiences à juge unique au détriment des audiences collégiales instituées pour garantir, dans ce domaine, une meilleure appréciation des faits.

celle qui a intérêt, parce qu’elle est soumise au diktat des chiffres et des quotas, à évincer les avocats.

La réponse est facile, Madame la sénatrice, Monsieur le député, parce que pour rédiger la page 56 de votre rapport vous avez entendu seulement les représentants de la Cour nationale du droit d’asile.

AUJOURD’HUI LES AVOCATS EXIGENT LA PAROLE