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Anticor
Soupçons de fraude fiscale et lettre ouverte au Ministre du Budget
Article mis en ligne le 26 juin 2011
dernière modification le 25 juin 2011

Anticor via sa Présidente vient d’écrire à M. François Baroin, Ministre du Budget, afin de l’interpeller sur des soupçons de fraude fiscale pesant sur l’énorme succession du collectioneur Daniel Wildenstein.

Pour en savoir plus, vous pouvez lire le courrier ci-dessous qui vient de lui être adressé :

Monsieur le Ministre,

Parce qu’elles portent atteinte à la confiance légitime par laquelle les citoyens s’en remettent à leurs représentants pour la conduite des affaires publiques de la nation, les affaires politico-financières sont régulièrement présentées par leurs observateurs comme les sources d’un empoisonnement de la vie politique et un péril démocratique.

Consciente de cette menace et résolue à en combattre les causes Anticor, association promouvant la transparence et la lutte contre la corruption en politique, entend attirer votre attention sur l’une de ses récentes manifestations.

Il s’agit en l’occurrence des soupçons de fraude fiscale qui pèseraient sur la succession de Daniel Wildenstein et de l’instruction correspondante menée par les juges Guillaume Daieff et Serge Tournaire.

N’étant pas nous-mêmes parties au litige qui oppose Guy Wildenstein à la veuve de feu son père, ainsi qu’à celle de son défunt-frère, nous ne nous attacherons seulement à en reprendre les éléments les plus saillants.

Selon divers articles, ayant apparemment abusé de son titre d’exécuteur testamentaire de la succession de Daniel Wildenstein, son fils Guy aurait dissimulé des biens issus de cet héritage, pour un montant que les magistrats instructeurs estiment « très significatif », à l’instar du manque à gagner pour l’Etat, dans ce qui s’apparente à une vaste opération d’évasion fiscale ; laquelle aurait motivé l’ouverture, en 2010, d’une instruction pour abus de confiance et blanchiment.

Les plaintes se seraient même multipliées à l’encontre de cet héritier, pour « abus de confiance, organisation frauduleuse d’insolvabilité, blanchiment d’argent, recel d’abus de confiance, recel de blanchiment d’argent, faux en écriture privée, usage de faux en écriture privée ».

Les enquêteurs du magazine le Point (numéro du 30/03) énumèrent ainsi une impressionnante liste de biens mobiliers ou immobiliers, formant une fortune colossale qui aurait échappé au contrôle du fisc lors du règlement de la succession. Si l’on en croit l’hebdomadaire, cette affaire serait des plus embarrassantes pour l’actuelle majorité au pouvoir, le journal allant jusqu’à évoquer une volonté de l’Etat de l’étouffer (cf. article intitulé « Wildenstein, l’affaire que l’Etat voudrait étouffer »).

Nous savons désormais que, dissipant partiellement des craintes d’inertie des pouvoirs publics émises par divers commentateurs, l’administration fiscale instruit elle aussi ce dossier, le directeur général des finances publiques ayant déclaré récemment à la presse que « l’administration [n’avait] attendu ni les avocats ni les juges pour s’intéresser à ce dossier complexe », tout en arguant du secret fiscal pour esquiver les explications réclamées par les journalistes.

Il y a quelques mois, c’est une autre affaire qui défrayait la chronique, impliquant elle aussi un donateur de la campagne présidentielle : l’affaire Woerth-Bettencourt, dont les soupçons de conflits d’intérêts entre M. Woerth, alors ministre du Budget et trésorier de l’UMP, et son épouse, employée par la société gestionnaire de la fortune de cette richissime contribuable, aurait précipité le départ de votre prédécesseur.

Initialement simple conflit juridique né d’une plainte pour abus de faiblesse, celle-ci s’était muée, par une série de révélations, en une retentissante affaire politico-financière, affaiblissant la majorité au pouvoir, et avec elle le faible crédit accordé par les Français à leur élite dirigeante.

Car, de rebondissements en désaveux, ce scandale est venu immanquablement surajouter au climat croissant et délétère de défiance de l’opinion à l’égard des élus et des gouvernants, réhabilitant l‘antienne du « tous pourris », dont chacun sait qu’elle est un redoutable adjuvant à une poussée préoccupante de l’abstention et des extrêmes, la première contribuant d’ailleurs amplement à faire le lit de la seconde.

Pire, à mesure que des épisodes de ce type s’accumulent, c’est la règle même du jeu institutionnel qui se trouve à chaque fois bafouée, et dans son prolongement les fondements essentiels du pacte républicain que sont l’éthique et la responsabilité des gouvernants envers leurs administrés.

Or, il semblerait que l’affaire Woerth-Bettencourt et l’affaire Wildenstein possèdent des similitudes qui font redouter une éventuelle intervention pour paralyser une action de la justice et de l’administration, potentiellement préjudiciable à certains hauts responsables, s’agissant de possibles conflits d’intérêts entre ceux-ci et les protagonistes de ces deux affaires.

Outre l’immense fortune des intéressés, si l’on en croit plusieurs grands quotidiens, à l’instar de Liliane Bettencourt, Guy Wildenstein est une connaissance (il est même dépeint comme un intime) du Président de la République ; d’autre part, toujours selon les mêmes sources, l’un comme l’autre seraient des donateurs de l’UMP ; enfin, dans l’une et l’autre affaire, des soupçons de fraude fiscale planent sur les principaux protagonistes.

Vous comprendrez dès lors combien il importe de lever les doutes générés par et autour de l’affaire Wildenstein, qui faute d’une réponse appropriée de l’administration fiscale, prêterait le flanc aux mêmes suspicions de collusion entre le pouvoir et certains des contribuables les plus nantis de France, au risque de susciter dans l’opinion un émoi analogue à l’affaire qui mena votre prédécesseur à la disgrâce.

Dans une telle configuration, nul doute que l’inaction du gouvernement face à une nouvelle affaire ne conforterait une opinion d’ores et déjà désabusée, se disant que décidément les accommodements avec l’éthique seraient légion en politique.

Anticor tient donc par la présente à vous alerter, non seulement parce que tout épisode de cette nature est indigne d’une démocratie qui se voudrait moderne, mais également parce qu’en prévision d’échéances électorales importantes, il s’agit de restaurer dans son honneur une classe politique en déficit d’image, dans une France encore fragilisée par une crise économique sans précédent.

D’autant plus que si l’on s’en réfère à l’article du Point précédemment cité, le délai propice au dépôt de plainte de l’administration fiscale est compté dans l’hypothèse où les soupçons de fraude fiscale de M. Wildenstein se révélaient fondés, le délai de prescription étant, au plus tôt, susceptible de frapper de caducité ladite fraude au-delà du 31 décembre 2011.

Votre vigilance est déterminante, car en votre qualité de Ministre du Budget, qui mieux que vous pourrait s’assurer que les dispositions qui s’imposent seront bien prises, en temps utile, si preuve était faite de la véracité des soupçons de conflit d’intérêt suscités par cette affaire ?

Nous nous souvenons qu’à l’occasion d’un discours de campagne présidentielle gravé dans les mémoires pour son volontarisme et son ambition rénovatrice, le candidat Sarkozy de 2007 a déclaré vouloir une « République irréprochable ». « Le Président de la République », a-t-il ajouté, « c’est l’homme de la Nation, ce n’est pas l’homme d’un parti, ce n’est pas l’homme d’un clan »

Nous vous remercions de l’attention que vous porterez à ce courrier, rendu public sur notre blog www.anticor.org et restons dans l’attente de votre réponse.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, à l’assurance de nos sentiments respectueux.

Catherine Le Guernec
Présidente de l’Association Anticor

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