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« Silence, des ouvriers meurent » : autour du traitement médiatique des accidents du travail
Article mis en ligne le 18 février 2021

Sur le compte Twitter « Accident du travail : silence des ouvriers meurent », Matthieu Lépine, professeur d’histoire-géographie en collège, s’attèle à un recensement des accidents du travail. Réalisé essentiellement à partir de la presse locale, il s’accompagne souvent d’interpellations de la ministre du Travail : Muriel Pénicaud de mai 2017 à juillet 2020, et Élisabeth Borne depuis. (...)

Parallèlement, Matthieu Lépine publie sur le blog « Une histoire populaire » des portraits de victimes, des bilans statistiques et ponctuellement, des analyses complémentaires. Enquête, recoupement, spécialisation, mise en perspective : des méthodes qui ne sont pas sans rappeler celles du (bon) journalisme, que revendique d’ailleurs en partie l’auteur contre les défaillances des médias traditionnels. C’est qu’à l’origine de ce travail résonne un cri de colère : « Face à l’indifférence des médias, soyons notre propre média ». Nous avons voulu en savoir plus. (...)

le traitement journalistique n’est absolument pas satisfaisant. D’abord, parce que la plupart du temps, les articles sur lesquels je m’appuie sont des brèves, dans lesquelles on a très peu d’informations sur les circonstances de l’accident, et tout aussi peu sur la victime… Il n’y a jamais de suivi sur le fond. (...)

le terme « accident du travail » n’est quasiment jamais employé dans ces articles, comme si le mot était tabou. Or, il existe bien une définition, qu’il suffirait d’utiliser : à partir du moment où un accident survient par le fait ou à l’occasion du travail, c’est un accident du travail. Mais comme le mot n’est jamais employé, il y a une espèce de flou qui s’installe. Et quand je contacte des journalistes pour avoir des éclaircissements, savoir si le travailleur bûcheronnait dans un cadre privé ou professionnel, ils ne sont pas capables de me répondre. On me dit « je me renseigne », mais le renseignement n’arrive pas.
Donc c’est vrai que des articles existent, et rien que pour ça, ils sont importants, mais ils ne permettent pas du tout de rendre compte de la réalité de ce problème. En définitive, les grands médias considèrent qu’un accident du travail, c’est un fait divers.
(...)

Il faudrait pourtant pouvoir le considérer comme un fait social, dans la mesure où ça arrive tous les jours, partout en France, dans tous les corps de métier : selon les chiffres « officiels » dont on dispose, on parle de plus de 650 000 victimes par an, ça mériterait quand même qu’on s’y intéresse un peu plus que ça. (...)

ça va faire l’objet d’une brève, mais on ne saura jamais si la personne va mieux, si elle est décédée, etc. C’est le strict minimum : des articles de fond sur les accidents du travail, il y en a très rarement.Dans certains départements comme la Seine-Saint-Denis, où de grosses entreprises ont des chantiers un peu partout, je constate que les accidents du travail ne sont pas ou peu médiatisés. (...)

Est-ce qu’ils ne veulent pas donner l’information aux journalistes ou est-ce que ce sont les journalistes qui ne font pas leur travail ? J’aurais plutôt tendance à dire que ce sont les sources habituelles qui ne donnent pas l’information. (...)

C’est différent dans la presse spécialisée et dans les médias alternatifs indépendants : Bastamag, par exemple, s’y intéresse très souvent ; de son côté, Le Média a décidé de faire régulièrement un « focus » sur une victime d’accident du travail, etc. Dernièrement, L’Humanité a publié un dossier sur Amazon et le recours au travail intérimaire, qui pèse près de 60% dans les entrepôts. (...) on a parfois l’impression que si on ne fait pas le travail à leur place, les grands médias n’iront pas chercher eux-mêmes l’information. (...)