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Charlie Hebdo
Santé des femmes : « Nous sommes en train de revenir aux années cinquante »
Article mis en ligne le 15 avril 2013
dernière modification le 13 avril 2013

Depuis qu’elle a écrit, il y a un an, dans Le Monde, une tribune intitulée « La disparition annoncée des gynécologues et des généralistes de la santé génésique », le Dr Odile Buisson est dans le collimateur des sages-femmes, qui se sont estimées insultées. Aujourd’hui, elle publie aux éditions Jean-Claude Gawsewitch Sale temps pour les femmes, où elle fait le point sur l’état de la santé des femmes. Et le constat n’est pas brillant…

(...) Odile Buisson : L’industrialisation de la santé, c’est penser que le patient n’est pas un tout, et qu’on peut déléguer des actes à certaines personnes moins formées. Ça peut être un frottis du col, la mise en place d’un stérilet… On découpe le corps en morceaux, de façon à employer des gens moins formés, donc moins payés, intervenant pour un seul acte, sur le principe des chaînes de montage, de façon à faire un bénéfice sur chaque acte. Mais le problème, c’est que la personne n’est pas prise dans sa globalité. Moi, je fais de l’échographie : pour ça, j’ai fait médecine, et plusieurs spécialisations. Mais, dans certains pays, chez les anglo-saxons en particulier, les gens qui font de l’échographie, ce ne sont pas des médecins, ce sont ce qu’ils appellent des « sonographers ». Des manipulateurs radio, en quelque sorte. Certains gros cabinets de radiologie voudraient bien importer ce système. Seulement, les pays qui emploient ce système sont, de très loin, bien moins bons que nous en diagnostic anténatal. Mais il y a des médecins qui se sentent les dents pousser, et qui se disent que, ma foi, ils pourraient faire le chef d’entreprise et gagner plus d’argent… (...)

En France, nous avons 6 à 7% de femmes qui n’ont plus d’utérus, parce qu’on a encore de la gynécologie médicale de proximité, et que les gynécos sont capables de traiter correctement l’utérus pour qu’on ne soit pas obligé de l’enlever. Si vous allez dans les pays où il n’y a pas de gynécologie médicale, c’est 20 à 30% l’hystérectomie. L’Angleterre est a 20%, elle essaye de réduire, mais elle n’y parvient pas. Les Américaines, c’est 40%... Alors évidemment, on peut dire qu’un utérus qui ne sert pas, bonsoir Berthe, on s’en fout. Sauf que, pour retirer un utérus, vous dénervez tout le petit bassin. Ça veut dire : vie sexuelle flinguée. Et nous, on vit en ménopause un tiers de notre vie. On ne va quand même pas s’emmerder au lit pendant un tiers de notre vie sous prétexte qu’on n’a pas de gynécologie médicale de proximité ! On ferait ça aux prostates des hommes, vous verriez le tollé ! À long terme, ça fera comme la malbouffe : les pauvres mangent mal, les riches mangent correctement. Peut-être que, dans une dizaine d’années, le fait d’avoir un utérus à soixante ans, ce sera un signe d’appartenance à l’upper class… (...)