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Mediapart
Sainte-Soline, le jour d’après : « Il n’y a eu aucun discernement des forces de l’ordre »
#MegaBassines #eau #sécheresse #repression #SainteSoline
Article mis en ligne le 27 mars 2023

Au lendemain de la répression brutale de la mobilisation contre les mégabassines, les manifestants dénoncent la violence des actions policières et les accusent d’avoir retardé la prise en charge des blessés. Des faits confirmés par la Ligue des droits de l’homme, qui s’inquiète de la « militarisation des forces de l’ordre ».

(...) Pourquoi des moyens policiers si disproportionnés au regard du simple objectif de sécurisation de ce qui n’est pour l’heure qu’un talus bordant un grand trou ? (...)

À la mi-journée samedi, les organisateurs recensaient plus de « 200 blessé·es dont 40 dans un état grave », « des mâchoires arrachées, des plaies délabrantes provoquées par des grenades GM2L et des LBD ». Ce dimanche soir, le dernier bilan du parquet de Niort faisait état de trois blessé·es graves parmi les manifestant·es, dont un homme « dont le pronostic vital reste engagé à ce stade ». Le parquet précise qu’une enquête a été ouverte pour déterminer les circonstances des blessures.

Selon nos informations, trois personnes ont dû être secourues par hélicoptère, et le manifestant dans l’état le plus grave a été intubé sur place. Trois journalistes ont également été blessés, selon le décompte de la préfecture des Deux-Sèvres. Le parquet indique aussi que vingt-neuf gendarmes ont été blessés, dont deux en « urgence absolue » sans que leurs jours soient en danger, l’un touché à l’aine, l’autre souffrant d’un traumatisme respiratoire. (...)

Les images de la manifestation ont beau avoir été violentes, et quatre fourgons de gendarmerie avoir été incendiés, la plupart des manifestant·es récusent les accusations pleuvant de la part de la préfecture et de l’exécutif depuis samedi soir. La première ministre Élisabeth Borne a ainsi condamné un « déferlement de violence intolérable » de la part des manifestant·es.

« Le gouvernement parle de violences de la part des manifestants, mais nous, on n’était pas violents ! Il n’y a pas eu la possibilité d’être violents, on s’est juste protégés des bombes de désencerclement », commente Juliette, 24 ans, qui raconte avoir vu « tomber » ses camarades tout autour d’elle.

Un jeune homme originaire de la région parisienne abonde : « On a essayé de faire la ligne humaine la plus longue possible pour encercler la bassine. Même en venant de Paris avec ce qui se passe en ce moment au niveau des violences policières, je suis étonné par la violence déployée samedi. Je n’étais pas du tout préparé à ça. »

« Quand les gendarmes ont vu que les gens enterraient les bombes lacrymogènes, ils ont lancé des lacrymogènes qui explosaient, affirme un autre témoin. Dès lors, celles et ceux qui continuaient d’enfouir les aérosols « tombaient systématiquement », touché·es par les éclats d’explosifs.

« L’idée c’était de rentrer dans la bassine à plusieurs endroits, mais en fait on s’est rendu compte en arrivant que c’était une forteresse. Il y avait même l’armée, mais que venait faire l’armée là-dedans ? », n’en revient toujours pas Anne-Laure, conseillère conjugale (...)

« Armes relevant des matériels de guerre »

La Ligue des droits de l’homme (LDH), dont 18 observateurs étaient présents sur le terrain pour rendre compte du dispositif policier déployé, partage cette incompréhension. Et son constat est sévère. « Les observateurs de la LDH sont habitués à aller dans les manifestations, mais ils ont été surpris par la militarisation des forces de l’ordre, aussi bien dans leurs techniques que dans leur armement », commente Agathe Morin, de la LDH Poitou-Charentes.

Dans un communiqué commun avec d’autres associations présentes samedi pour observer, la LDH dénonce « un usage immodéré et indiscriminé de la force sur l’ensemble des personnes présentes sur les lieux, avec un objectif clair : empêcher l’accès à la bassine, quel qu’en soit le coût humain ». (...)

La LDH rendra un rapport complet d’ici à deux mois, mais pointe déjà des manquements sévères de la part des autorités. Parmi ces faits, « l’entrave » d’une ambulance du Samu par les forces de l’ordre ne permettant pas aux équipes de secours de pénétrer à l’arrière des champs pour prendre en charge des blessés graves. « C’est absolument scandaleux », s’insurge Agathe Morin. (...)

Ce fait est confirmé à Mediapart par l’eurodéputé (Les Verts / ALE) Benoît Biteau. (...)

Interrogée par Mediapart, la préfecture des Deux-Sèvres n’a pas répondu précisément sur ce point. (...)

Comme la LDH, Benoît Biteau s’indigne de l’intervention de la trentaine de policiers en quads, qui ont fait irruption dans les champs à revers des manifestant·es et ont pris pour cible les blessés. (...)

« Au-delà des violences qui concentrent l’attention, ce qui est incroyable ici, c’est la solidarité qui est mise en place », souhaite néanmoins souligner un jeune militant. « On a l’impression que quelque chose d’important est en train de se produire », abonde Juliette.

« Ce mouvement est fort et inspirant politiquement. Des personnes de tous horizons sociaux, de tous âges, des gens du Larzac, des syndicalistes, des politiques, acceptent les modes de lutte des autres pour aboutir quelque chose de massif », retient Noé, doctorant en maths. « Le gouvernement a compris qu’après Notre-Dame-des-Landes il y a un mouvement qui est en train de naître, et il veut le casser », (...)