
Amnesty International a sollicité à trois reprises l’accès au palais de justice dans le cadre du procès de Julian Assange. Toutes ses requêtes ont été rejetées, ce qui est le signe, de la part des autorités britanniques, d’une prise de distance par rapport au principe de transparence de la justice.
Amnesty International s’inquiète profondément du fait que le refus qui lui a été opposé d’assister au procès en extradition de Julian Assange, qui a repris le 7 septembre au palais de justice de l’Old Bailey, à Londres, remette en cause la reconnaissance des observateurs en tant que garants des normes internationales relatives à l’équité des procès. (...)
Amnesty International a appelé les États-Unis à abandonner toutes les charges pesant sur Julian Assange qui sont liées à ses publications et le Royaume-Uni à ne pas extrader cet homme vers les États-Unis ni tout autre pays où il risquerait de subir de graves violations des droits humains. Dans le cadre de ses recherches, de ses activités de plaidoyer et de son travail de campagne sur l’affaire de Julian Assange, l’organisation est déterminée à suivre le procès en extradition qui se déroule au Royaume-Uni en chargeant des experts internationaux d’observer la procédure et de recueillir des informations à ce sujet. (...)
Le Service royal des cours et tribunaux a contacté Amnesty International le 1er septembre pour indiquer que sa demande avait été rejetée mais qu’un accès à distance serait autorisé. Lorsque notre observateur a tenté d’assister au procès le 7 septembre au matin, le lien ne fonctionnait pas. Après en avoir fait part au tribunal, il a été informé par courriel que son accès à distance avait été supprimé. Lorsqu’elle a refusé l’accès à distance à Amnesty International et à une quarantaine d’autres groupes ou personnes, la juge a déclaré qu’elle souhaitait avoir le contrôle de la salle d’audience, en précisant que, depuis l’ouverture du procès en février, une image de Julian Assange assis au tribunal circulait en ligne, en violation des règles en vigueur.
À ce stade, le seul moyen pour Amnesty International de suivre le procès était que notre observateur fasse la queue en vue d’obtenir l’un des deux sièges libres dans la zone réservée au public d’une salle additionnelle, installée dans l’enceinte du palais de justice. C’est de là qu’un nombre limité de représentants des médias et d’observateurs politiques assistaient au procès en direct.
Amnesty International considère que ces sièges sont réservés au grand public et que les organisations qui suivent les procès ne devraient pas être en concurrence avec des particuliers pour les quelques sièges disponibles dans la zone réservée au public. De plus, l’accès à cette zone se fait selon le principe du « premier arrivé, premier servi » parmi les personnes venues faire la queue dès le matin. Le suivi d’un procès repose sur un accès constant et garanti au tribunal, sans quoi il est impossible de rendre compte de la procédure sur toute sa durée. Or, ces conditions ne sont pas remplies lorsque l’on doit tenter d’obtenir une place dans la zone réservée au public. En outre, aucun appareil ni matériel d’écriture ne sont autorisés dans cette zone, ce qui ne permet pas d’enregistrer ou de rendre compte précisément des événements.
Amnesty International a adressé une requête urgente à la juge le 7 septembre, en demandant une nouvelle fois que son observateur soit autorisé à entrer dans la salle d’audience. Elle a également été rejetée le lendemain. L’audience a été ajournée précocement le 10 septembre en raison d’un cas présumé d’infection par le nouveau coronavirus et de la nécessité pour les personnes concernées de passer un test de dépistage. Le résultat était négatif. Lorsque l’audience a repris, le 14 septembre, Amnesty International a formé une nouvelle requête, qui portait cette fois uniquement sur la salle additionnelle. Cette dernière demande a été rejetée le 16 septembre et la juge a précisé qu’elle ne ferait « aucune exception » pour l’observateur de l’organisation.
Amnesty International demeure déterminée à suivre le procès en extradition de Julian Assange et continuera d’œuvrer pour que son expert ait accès à la salle d’audience et puisse ainsi observer ce qui s’y passe et en rendre compte. Nous appelons les autorités britanniques à reconnaître le rôle crucial que jouent les observateurs qui suivent les procédures juridiques et, ce faisant, à renouveler son attachement sans réserve au principe de transparence de la justice.
LE SUIVI DES PROCÈS, UNE NORME INTERNATIONALE
Depuis de très nombreuses années, Amnesty International envoie des spécialistes dans le monde entier pour observer des procès où d’importants principes relatifs aux droits humains sont en jeu. L’acceptation d’observateurs internationaux (déployés par des États étrangers ou des organisations non gouvernementales) est devenue une norme juridique internationale. (...)
Le suivi des procès par des experts internationaux a trois objectifs importants :
- Évaluer l’équité d’un procès ou d’une procédure juridique en livrant un compte rendu impartial et indépendant de son déroulement ;
- Faire progresser les normes internationalement reconnues en matière d’équité des procès en signalant aux acteurs, en particulier au juge et au procureur, qu’ils sont sous surveillance ;
- Déterminer les réformes du système juridique qu’il est nécessaire de mener dans le pays.
Le rôle d’un observateur international est analogue à celui de la presse et des médias en général, tout en étant distinct. En effet, les observateurs internationaux ne s’intéressent pas qu’à la procédure juridique mais analysent aussi la conformité avec les obligations internationales qui incombent à l’État en matière de droits humains, y compris le droit à un procès équitable. Leur présence signale au juge présidant le tribunal que des experts indépendants et impartiaux, spécialisés dans les questions de procédure et de fond liées au droit international relatif aux droits humains, observent le déroulement du procès et amèneront l’État à rendre des comptes si les garanties d’un procès équitable ne sont pas respectées. (...)
Amnesty International envoie régulièrement des observateurs dans le monde entier pour observer des procès et en rendre compte. Nos observateurs ont assisté aux procès et à d’autres procédures juridiques devant des tribunaux fédéraux aux États-Unis et sur la base navale de Guantánamo, à Cuba, ainsi qu’à Bahreïn, au Honduras, en Équateur, en Hongrie, en Israël , en Espagne, en Turquie et aux Émirats arabes unis, entre autres.
Dans sa quête pour pouvoir assister au procès de Julian Assange en qualité d’observateur international, Amnesty International s’appuie sur un ensemble de documents faisant autorité, notamment le manuel sur l’observation des procès du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. (...)