
Sur l’écran où s’affichent les votes à la Constituante, les points verts (pour) s’allument. De plus en plus nombreux. Avant même l’annonce du résultat, l’évidence s’impose : c’est un raz-de-marée ! La majorité des deux tiers des membres est largement dépassée. Les applaudissements et les sifflets fusent : 200 pour, 12 contre et 2 abstentions. Un score inespéré.
La Constitution qui fonde la IIe République tunisienne est née, portée par un consensus que les divisions idéologiques et l’âpreté des débats ne laissaient pas présager. Les députés tombent dans les bras des uns et des autres. Les larmes coulent. Les adversaires politiques, qui ne se sont pas ménagés pendant deux ans, s’embrassent. Même les deux élus les plus diamétralement opposés, Habib Ellouze, l’un des radicaux d’Ennahdha, et Mongi Rahoui, d’extrême gauche, se saluent chaleureusement ! (...)
Un contrepoint heureux à l’évolution tragique de la révolution égyptienne. En dépit des réserves que les uns et les autres peuvent avoir sur le texte, de la déconnexion entre le microcosme politique et une partie de la société, le spectacle de communion offert par les députés démontre que que les différends idéologiques peuvent cohabiter dans un même cadre politique.
Tous les scénarios catastrophes, redoutés depuis un an, ont été conjurés. Les menaces d’échec du processus de transition après les assassinat de Chokri Belaid le 6 février 2013 et de Mohamed Brahmi le 25 juillet, la déligitimation de facto de la Constituante par la mobilisation de l’opposition au Bardo cet été, la contestation de plus en plus menaçante de syndicats de police, puis le risque d’échec du Dialogue nationale, notamment le 14 décembre dernier, semblaient ouvrir la voie à une forme de restauration et à une reprise en main autoritaire. (...)