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Radiation de Pôle emploi, baisse des aides CAF : au « café des allocs », on s’organise pour régler les galères
Article mis en ligne le 11 juillet 2022

Problème pour toucher le RSA, injonction de la CAF à rembourser un trop-perçu, incompréhension face au re-calcul d’une aide... Au « café des allocs », à Lille, les naufragés de l’administration s’auto-organisent.

ans le quartier de Fives, à Lille, les maisons en briques se suivent en lignes discontinues. L’une de ces façades cache l’Anamorphose, lieu associatif et militant, qui abrite une bibliothèque, une cantine et se mue parfois bar festif. Pierre ouvre le lourd rideau métallique du local. Entre les murs ornés de larges bibliothèques, il s’installe pour assurer la permanence mensuelle du « café des allocs », de 17 h à 19 h.

« On est un petit noyau de cinq ou six personnes dans ce collectif, précise Pierre. Il y a aussi des gens qui donnent un coup de main de temps en temps. On s’investit selon nos rythmes. » Depuis plusieurs années, ils et elles tiennent des permanences pour essayer de démêler les galères de chacun avec la Caf et Pôle emploi, qui se multiplient avec la numérisation et la difficulté de joindre un conseiller compétent, et que Basta ! vous conte régulièrement. (...)

« Au moment où on a monté le café, il y avait des changements à Pôle emploi, et quelques mobilisations autour de ça. On a voulu créer ce moment en lien avec les mobilisations. » Finalement, le rendez-vous a continué. « En discutant, en écoutant les problèmes des autres et en parlant des siens, on voyait bien qu’on arrivait à des solutions. » Ce type d’espace pour les naufragés de l’administration et de la protection sociale commence à se répandre (voir aussi notre reportage à Mulhouse). (...)

« La Caf me réclame un trop-perçu. Ils me disent que je leur dois 3000 euros pour toute l’année 2020. Je ne les ai pas, il va falloir que je tape dans mes économies. Et je ne pense pas que l’erreur vienne de moi. » Elle est gérante de son entreprise, sous le statut d’indépendante. Pierre plisse les yeux. Il réfléchit : « Ce n’est pas un statut qu’on connaît bien … Est-ce que tu sais dans quelle case ils t’ont mise ? » (...)

Des démarches toujours plus complexes

Les membres du collectif se sont formés eux-mêmes. D’abord par leurs expériences, « mais de temps en temps il faut bien se taper aussi les textes réglementaires », sourit Pierre. Ce travail sur les textes leur a notamment permis de créer un tract sur la « neutralisation des revenus », à destination des bénéficiaires du RSA. Le document explique comment faire pour que les revenus de contrats courts ne fassent pas diminuer le montant du RSA. « L’institution de la Caf en tant que telle ne communique absolument pas sur cette possibilité, mais certains agents en parlent parfois aux bénéficiaires, précise Pierre. C’est comme ça qu’on a appris que cela existait. On a décidé d’en faire un flyer parce que ça concerne potentiellement beaucoup de monde. »

Entre les réformes du mode de calcul des allocations Pôle emploi, la numérisation à marche forcée de la Caf, le collectif essaye de donner les outils à celles et ceux qui poussent leur porte. (...)

Pour Pierre et Matthieu, tenir ces permanences est un acte intrinsèquement politique. Se réunir permet de contrer les discours culpabilisants contre les « assistés », « fainéants » ou tout autre qualificatif rabaissant. « On veut casser la mauvaise conscience. Dire aux gens qui viennent : "Non, tu n’es pas une merde", explique Matthieu. Leur faire comprendre qu’il y a une logique derrière la manière dont ils sont traités. C’est une lutte. Une lutte des classes. » Leurs armes ? La discussion, et leurs connaissances accumulées à travers leurs expériences et des échanges avec d’autres. « Faire quelque chose par et pour les allocataires, c’est déjà politique en soi », dit Matthieu. (...)

Matthieu insiste bien sur le fait que leur collectif n’est pas une association de chômeurs, ni un parti politique : « On porte des revendications stratégiques. On se voit plutôt comme une initiative d’autodéfense de précaires. » (...)

Matthieu insiste bien sur le fait que leur collectif n’est pas une association de chômeurs, ni un parti politique : « On porte des revendications stratégiques. On se voit plutôt comme une initiative d’autodéfense de précaires. » (...)

Au-delà du café des allocs, les membres du collectif prennent part aux luttes. « Avec plus ou moins de succès, sourit Pierre. (...)

Ils n’hésitent pas non plus à accompagner les personnes directement à la Caf ou à Pôle emploi en cas de situations bloquées. (...)