
Robots tracteurs, applications pour smartphones ou encore drones : les nouvelles technologies étaient les vedettes du dernier Salon de l’agriculture. Objectifs de ce commerce en pleine expansion : séduire les nouvelles générations, en réduisant la pénibilité et en aidant à la décision. Selon certains, cela ne serait pas incompatible avec l’agroécologie. De l’agriculture connectée, mais pour quel lien entre le paysan et son environnement, et quels rapports sociaux ?
Le tout premier drone agricole présenté au Salon était ainsi le fer de lance de cette « agriculture 2.0 ». Estimation de la biomasse, mesure de l’état hydrique des sols et des cultures… Avec une précision jusqu’à mille fois plus grande qu’un satellite, les drones, grâce aux rayons infrarouges qu’ils captent et aux logiciels de traitement de l’information qu’ils contiennent, sont considérés par leurs promoteurs comme « les alliés de l’agriculteur » [1]. Au Japon, les drones rencontrent même déjà un certain succès : 2 400 drones ont été vendus en quinze ans auprès des riziculteurs [2]. Avec un coût moyen de 30 000 euros, leur utilisation en France est pour l’instant limitée aux cultures à forte valeur ajoutée et nécessitant de grandes surfaces c’est-à-dire les cultures céréalières et les vignes.
Fascination et déconnexion
La déferlante technologique, qui s’immisce de plus en plus dans notre quotidien, n’épargne pas le secteur agricole. Une déferlante d’autant plus importante que l’agriculture productiviste a toujours été indissociable du développement technologique. Rien d’étonnant donc à ce que les défenseurs de ce modèle voient dans ces innovations un nouveau « gisement de compétitivité » et la possibilité de repousser les limites de la productivité et du rendement à l’hectare. (...)
À l’heure de la nécessaire réconciliation entre agriculture et nature, les tracteurs autonomes téléguidés ou encore les étables totalement robotisées sont les exemples de cette agriculture où une parcelle ou un animal d’élevage tendent à n’être appréhendés qu’à travers des logiciels et des machines, comme de simples systèmes traversés par des flux d’informations diverses (hygrométrie, taux de nitrate, température, poids) que l’agriculteur doit évaluer, réguler, gérer selon des process standards.
Valeurs et sacralisation
Si d’aucuns affirment que les nouvelles technologies sont « neutres » dans le sens où tout dépendrait de l’usage que l’on en fait, elles portent cependant en elles des valeurs intrinsèques d’efficacité, d’optimisation, de performance, de simplification. (...)
Quant au processus de création des technologies, il écarte en amont les agriculteurs et est orienté par des fonds de recherche et développement soumis à des impératifs de rentabilité. Enfin, la standardisation des pratiques agricoles qu’engendrent les technologies mais surtout le fait que les outils technologiques ne sont désormais plus appropriables, réparables, par l’agriculteur lui-même car trop complexes font que ce n’est plus l’homme qui modèle et adapte l’outil en fonction de ses besoins mais l’inverse.
Ces valeurs intrinsèques et l’ascendant de la machine sur l’homme participent à réduire toujours plus l’autonomie et les marges de manœuvre de l’agriculteur (...)