
De nombreux obstacles légaux, nationaux et internationaux, empêchent de plus en plus les paysans de ressemer une partie de leur récolte et de commercialiser une partie de leurs semences. Pour comprendre les résistances paysannes décrites dans le reste de ce dossier, penchons-nous d’abord sur ce cadre législatif international qui favorise les entreprises semencières, au détriment des paysans.
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Une obligation de protection
L’Organisation mondiale du commerce (OMC) (164 États membres sur 193) indique, dans son article 27.3b de l’accord sur la propriété intellectuelle (ADPIC), que « les Membres prévoiront la protection des variétés végétales par des brevets, par un système sui generis efficace, ou par une combinaison de ces deux moyens ». (...)
La Convention sur le brevet européen (CBE) et la directive européenne 98/44 utilisent le droit donné par l’article 27.3b d’exclure « de la brevetabilité les varié-tés végétales ou les races animales, ainsi que les pro-cédés essentiellement biologiques d’obtention des végétaux ou d’animaux ». L’Union européenne a donc clairement choisi son système sui generis, (c’est-à-dire spécifique) : celui des COV, mais ne renonce pas aux brevets sur les caractères des plantes, qui sont de plus en plus utilisés.
Dans les deux cas, brevets ou COV, le paysan ne peut ressemer gratuitement une partie de sa récolte issue d’une semence protégée. Ajoutons, pour l’Union européenne, l’obligation d’inscrire, en payant annuellement [3], la variété dans un catalogue (avec les mêmes critères DHS que ceux du COV) pour avoir le droit d’en commercialiser les semences, et l’on comprend que le blocage à la commercialisation des semences se situe à plusieurs niveaux : la protection intellectuelle, les critères DHS, et les coûts d’inscription au catalogue. Enfin, des normes sanitaires et de production des semences commerciales strictes, inadaptées aux semences paysannes, empêchent définitivement la commercialisation de semences paysannes.
Tirpaa : une éclaircie pour les paysans ?
Le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (Tirpaa) [4], adopté en 2001, vise à « fournir un accès aux matériels phytogénétiques aux agriculteurs, aux sélectionneurs de végétaux et aux scientifiques ». Il prévoit un « système multilatéral d’accès facilité et de partage des avantages » mais jusqu’à présent, il a surtout permis l’accès aux ressources génétiques tout en échouant à mettre en œuvre un partage des avantages. C’est cependant le seul Traité international qui reconnaît « l’énorme contribution que les communautés locales et autochtones ainsi que les agriculteurs de toutes les régions du monde (…) ont apportée (…) à la conservation et à la mise en valeur des ressources phytogénétiques » et leurs droits de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre les semences produites à la ferme, au partage des avantages, à la protection de leurs connaissances et à la participation à la prise de décision nationale concernant les semences. Cette reconnaissance et ces droits sont rappelés dans la Déclaration sur les droits des paysans, adoptée en décembre 2018 par l’ONU (...)