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Procès Julian Assange : le mystère de la « juge » Vanessa Baraitser
/Viktor Dedaj
Article mis en ligne le 3 janvier 2021

Il y a des messages qui mettent un temps fou à pénétrer le cerveau et venir y provoquer le déclic. Par exemple, lorsque le journaliste John Pilger répète à l’envi dans ses interventions que la « juge » qui préside aux audiences de Julian Assange n’est pas « juge » mais (en anglais) « magistrate ». Là, le cerveau traduit mécaniquement (en français) « magistrat » et pense que John Pilger pinaille. Jusqu’à ce que quelqu’un te donne un lien vers un site officiel du gouvernement britannique dont le titre est « Become a magistrate » (Devenir « magistrate » https://www.gov.uk/become-magistrate/can-you-be-a-magistrate ).

On y apprend que n’importe qui peut postuler à un poste de « magistrate » et qu’il n’y a ni qualification ni formation juridique requises. La première contrainte est d’avoir un peu de temps libre (« quelques heures par semaine ») pour postuler au poste de « magistrate ». La deuxième est d’avoir plus de 18 ans (et moins de 65). Il est aussi précisé qu’il faut être capable d’entendre sans appareil auditif et d’être capable de « rester assis et d’écouter pendant de longues périodes » (sic). Parmi les qualités personnelles, il faut avoir « une conscience des enjeux sociaux », « être mûr, comprendre les gens et avoir un sens de l’équité », « fiable et dédié à servir la communauté ». Les « magistrates » ne sont pas rémunérés et doivent pouvoir prendre des congés pour exercer au moins 13 jours par an...

Les tâches d’un « magistrate » (qu’on traduirait en français me semble-t-il par « officier civil ») sont limitées. Ils peuvent éventuellement décider une garde à vue. Ils peuvent infliger des amendes, juger des infractions au code de la route, des affaires de vol, ou des non paiements de la redevance télé (sic). Ils peuvent prononcer des peines de 6 mois (maximum).

Le fait que Vanessa Baraitser soit « magistrate » - et non juge – expliquerait donc en partie pourquoi les recherches sur son passé et son identité se sont révélées grandement infructueuses.

L’incompétence professionnelle de Vanessa Baraitser pour une affaire d’ « extradition » (175 ans de prison, minimum) est flagrante. Mieux encore, en tant que « magistrate », elle n’a aucun pouvoir de décision. Que ce soit pour le maintien de Julian Assange en préventif dans une prison de haute sécurité (elle ne peut prononcer que des gardes à vue) ou pour tout autre aspect de cette procédure.

La juge Emma Arbuthnot, en charge de cette affaire, a refusé de se récuser pour un conflit d’intérêt manifeste : son mari et son fils sont concernés par les révélations de Wikileaks. Ce n’est pas la première fois que Emma Arbuthnot semble avoir du mal à se récuser pour conflit d’intérêts (cf affaire Uber où elle ne s’est finalement récusée qu’après des révélations dans la presse britannique). Dans l’affaire Julian Assange, l’idée trompeuse et savamment distillée – comme toutes les idées au cours de cette procédure – a été que Emma Arbuthnot s’était, selon ses propres termes, « mise en retrait » pour ne pas prêter flanc aux accusations de conflit d’intérêt, et ne faisait que « superviser » un procès confié à un autre « juge ». Une manœuvre trop cohérente et subtile pour ne pas être révélatrice d’une intention de tromper.

On comprend du coup pourquoi Vanessa Baraitser ne prenait pas de notes au cours des audiences, pourquoi elle lisait des décisions qui avaient été déjà rédigées à l’avance, pourquoi elle s’éclipsait parfois pour de courtes périodes, sans doute pour prendre des consignes. Emma Arbuthnot ne s’est ni récusée, encore moins mise en retrait. Elle a simplement placé devant les caméras une figure lisse, inconnue, sans passé, sans qualifications, sans pouvoir de décision.

Le résultat est que la plupart des critiques ont été dirigées vers l’insaisissable Vanessa Baraitser, chez qui d’aucuns espèrent encore un « sursaut d’humanité » pour le 4 janvier, alors que c’est bien l’invisible « Lady » Emma Arbuthnot qui tient toujours les rênes.

Je me dois de saluer la beauté de cette nième manœuvre « poudre aux yeux », relativement mineure au regard des irrégularités énormes qui ont jalonné cette affaire. Que voulez-vous, on a beau admirer un tableau exécuté de main de maître par des psychopathes, ça fait toujours quelque chose que de découvrir ici ou là un détail – presque un clin d’oeil – aux amateurs que nous sommes.