Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
National Geographic
"Pour un chat, vivre dans une famille nombreuse relève presque de la maltraitance"
Article mis en ligne le 14 octobre 2019
dernière modification le 13 octobre 2019

(...) dernier livre de l’anthropologue Jean-Pierre Digard (L’Animalisme est un anti-humanisme, CNRS éditions, 2018). Entretien avec ce spécialiste de la domestication, qui bouscule les idées reçues sur nos relations avec les animaux.

La domestication a modifié le comportement des animaux, mais, selon vous, elle a aussi eu des répercussions sur celui des hommes.

Jean-Pierre Digard : J’ai commencé à m’intéresser à la domestication dans les années 1980. Ce domaine était jusqu’alors principalement étudié par les archéologues et les zoologues. Or, d’un point de vue anthropologique, il nous apprend beaucoup sur le comportement humain.

L’origine de la domestication est un moment crucial dans l’hominisation. Elle a lieu à peu près au même moment que les débuts de la culture des plantes, et marque le passage de la prédation à la production. Plusieurs vagues de domestication ont lieu, à chaque fois en lien avec les nouveaux besoins de l’homme. D’abord, le chien, vers 10 000 av. J.-C., probablement à la suite de collaborations entre humains et loups pour la chasse. Puis, les porcs et les herbivores (vaches, chèvres, moutons), lors du développement de l’agriculture. Enfin, vers 3500 av. J.-C., les équidés et camélidés sont domestiqués pour aider au portage et à la traction.

L’homme change son mode de vie, commence à étudier la nature et à agir sur elle. C’est une démarche qui se poursuit avec l’accumulation des connaissances, le perfectionnement de la production et la sélection des espèces. Ce processus continu sur des milliers d’années mène aux espèces actuelles d’animaux de compagnie et d’élevage. Mais il reste réversible puisqu’un animal peut retourner à la nature, comme les chats harets à La Réunion, qui ne sont plus domestiques mais pas non plus sauvages. (...)

On pense que le statut rêvé pour un animal est celui d’animal de compagnie. Mais la plupart des gens qui possèdent des animaux n’ont pas la moindre idée de leurs besoins. Or, pour que les animaux soient bien traités, il ne faut pas seulement que leurs besoins nutritionnels soient satisfaits, il faut également prendre en compte leurs besoins comportementaux.

Par exemple, pour un chien, qui est un animal de meute, vivre seul avec une vieille dame est très insatisfaisant. Pour un chat, animal plutôt solitaire, atterrir dans une famille nombreuse relève presque de la maltraitance. En outre, l’alimentation la plus adaptée pour lui, c’est une souris par jour, vivante bien sûr, pour le faire bouger. J’encourage donc les propriétaires de chats à se lancer dans un petit élevage de souris…

Plus sérieusement, je propose depuis plusieurs années que l’acquisition d’un animal de compagnie soit soumise à un certificat de capacité, comme pour les éleveurs, afin que tous les propriétaires connaissent leur animal et sachent comment le traiter. Les attitudes inadaptées sont en effet problématiques. Certains animaux de compagnie deviennent fous. Des vétérinaires se sont d’ailleurs spécialisés dans le comportement.(...)