
Suite aux violences subies au meeting d'Éric Zemmour, @Mediapart et les deux journalistes agressés @celiamebroukine @Armelbaudet ont déposé plainte ce lundi pour violences (des coups) et menaces (appel à "une ratonnade"). Plus d'informations dans @_alairlibre à 19h en direct. https://t.co/lUWEJyUXZe
— Edwy Plenel (@edwyplenel) December 6, 2021
Mediapart : Présidentielle : quand Éric Zemmour parle, ses militants frappent
À Villepinte comme à Paris, des antifascistes se sont mobilisés pour ne pas laisser le premier meeting du candidat d’extrême droite se tenir dans l’indifférence. Dans la salle, plus de 10 000 personnes s’étaient réunies pour l’entendre dérouler ses antiennes haineuses, dans une ambiance violente. (...)
L’affluence est inhabituelle dans le RER B, entre Paris et Villepinte (Seine-Saint-Denis), ce dimanche 5 décembre, à 11 h 30. Les portes du parc des expositions, où Éric Zemmour donne son premier meeting depuis l’annonce officielle de sa candidature à l’élection présidentielle, n’ouvrent pourtant qu’à 13 heures. Mais les jeunes gens tout de noir vêtus qui remplissent les wagons ne sont pas là pour faire le pied de grue. Ils répondent notamment à l’appel de l’Action antifasciste Paris-Banlieue (AFA), organisation incontournable de l’antifascisme dans la capitale, à empêcher la bonne tenue de l’événement.
À l’arrêt du Parc des expositions, les regards se toisent. Un drapeau tricolore dépasse d’un sac à dos. Il n’y a pas que les « antifas » qui ont pris de l’avance. Devant les grilles du bâtiment, des militants de l’Action française et d’autres groupuscules d’extrême droite sont déjà en place pour vendre leur journal à la criée. Certains d’entre eux, une cinquantaine, équipés de gants renforcés et de casques de moto se regroupent et prennent en chasse des antifascistes, qui tentent de se repérer dans le dédale de la zone d’activités dépeuplée. (...)
Les antifas reviennent à la charge quelques minutes plus tard, plus unis : « Siamo tutti antifascisti ! », lancent-ils, alors que les forces de l’ordre font barrage entre eux et l’entrée du meeting. Ils sont dispersés par une charge des policiers, venus en nombre quadriller le secteur, alors qu’un rassemblement de protestation avait été déposé en préfecture, à deux ronds-points de là.
Quelques minutes plus tard, les brigades de répression des actions violentes motorisées (BRAV-M, ces nouveaux voltigeurs créés à l’occasion du mouvement des « gilets jaunes », largement décriés pour leur violence) font leur arrivée, sous les hourras de leurs collègues membres des forces de l’ordre.
Rapidement, la centaine de contre-manifestants est cantonnée. Un soutien d’Éric Zemmour, caché derrière le cordon des forces de l’ordre, passe une tête pour lancer, menaçant : « Derrière, y a des renforts, et c’est pas des compagnies de sécurité ! » Une nouvelle charge finit de disperser les opposants vers 12 h 40. Des interpellations ont lieu, un homme repart avec le crâne ensanglanté. Par petits groupes, les militants antifascistes refluent, conscients d’avancer en terrain miné. « On espérait plus de monde. Ici, les flics font ce qu’ils veulent », regrette l’un d’entre eux. (...)
Au même moment, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, le cortège antifasciste et contre l’extrême droite commence à se former au pied du métro Barbès. D’abord assez maigre, il s’étoffe un peu au fur et à mesure du parcours, qui traverse les quartiers populaires de l’est parisien, direction la Porte de la Villette, où devait initialement se tenir le meeting. La manifestation a rassemblé 2 200 personnes, selon la préfecture de police, près de 10 000, selon ses initiateurs. Beaucoup de personnes présentes viennent de banlieues plus ou moins proches de la capitale. (...)
Plusieurs dizaines d’organisations sont néanmoins présentes, dont la CGT Paris, Solidaires et le mouvement antifasciste La Jeune garde, mais aussi le Nouveau Parti anticapitaliste, Révolution permanente, des groupes de soutiens aux sans-papiers, plusieurs organisations ou collectifs contre l’antisémitisme ou le racisme. À part Elsa Faucillon, députée communiste, ou Raphaëlle Rémy-Leleu, élue écologiste à la mairie de Paris, ainsi que quelques militant·es signalés par leur drapeau Génération·s ou PCF, peu ou pas de personnalités politiques. (...)
Le PS est introuvable, alors que le mot d’ordre était explicite : « Faire taire » Éric Zemmour et l’extrême droite à Paris, ville dirigée par la socialiste Anne Hidalgo, elle aussi candidate à l’élection présidentielle. Jean-Luc Mélenchon, chef de file de La France insoumise (LFI), est quant à lui en meeting dans le quartier de La Défense, à l’autre bout de la capitale. « Contre Éric Zemmour, on devrait mener la bataille culturelle, et avoir une réponse unie et forte », se désole une militante des Jeunesses écologistes, venue avec trois camarades.
Manu, membre du collectif des Juifs et Juives révolutionnaires, porte une grande banderole noire barrée de rouge et de blanc (...)
Pour certains manifestants, la présence possible de l’extrême droite au second tour et la diffusion des idées d’Éric Zemmour dans le débat public pèsent lourd. « La montée de l’extrême droite peut impacter directement ma vie, celle de mon petit frère et celle de mes parents, raconte Lovepreet, 24 ans, habitant de Bagnolet, né en Inde, et qui ne possède pas la nationalité française, tout comme ses proches. Cette inquiétude-là, je la ressens depuis la présence de Marine Le Pen au second tour [de la dernière présidentielle], et elle est réactivée ces derniers mois. »
Des journalistes violemment pris à partie, des militants antiracistes sortis manu militari (...)
Les portes du premier meeting officiel de sa campagne présidentielle sont ouvertes depuis plus de deux heures. Et depuis plus de deux heures, la dizaine de milliers de personnes réunies là pour l’occasion patientent, drapeau français à la main.
Dans la foule, beaucoup de jeunes, une majorité d’hommes, quelques drapeaux royalistes, des bérets, plusieurs bérets, et un port du masque à géométrie plus que variable. Des pancartes « Zemmour président » et « Ben voyons », l’une des expressions favorites de l’ancien polémiste de CNews et du Figaro, sont fièrement brandies. Bien en sécurité à l’intérieur d’un hall entouré par les forces de l’ordre, certains militants entonnent des « Et ils sont ooùùù ? Et ils sont oùù ? Et ils sont les antifas ? » (...)
Toujours en attendant Éric Zemmour – après tout, cela ne fait que quatre heures que les portes ont ouvert –, divers intervenants se succèdent sur scène : le conseiller départemental de Seine-Saint-Denis et directeur de cabinet du maire (LR) du Blanc-Mesnil Vijay Monany ; l’ancien eurodéputé Paul-Marie Couteaux ; le conseiller municipal (ex-LR) de Neuilly Franck Keller ; l’ancienne figure des gilets jaunes Jacline Mouraud, venue « représenter, dit-elle, le peuple des gens ordinaires » ; le président de Génération Z Stanislas Rigaud ; ou encore le président du Parti chrétien-démocrate, fondé par Christine Boutin, Jean-Frédéric Poisson, meilleure prise de la journée. (...)
Tous et toutes emportent l’adhésion du public en usant et abusant de formules démagogiques et d’attaques acides. (...)
Il est question des « fascistes qui ont essayé d’empêcher cette réunion publique » (applaudissements), de « la bien-pensance » et de « la pensée unique qu’on veut nous imposer » (applaudissements), des « quelques féministes hystériques qui ne représenteront jamais la cause des femmes de France » (applaudissements), des « fascistes des blacks blocs et des antifas » (applaudissements), de « la liberté d’être vacciné ou de ne pas l’être » (applaudissements). Les huées et les sifflets fusent, encouragés par Jean-Frédéric Poisson : « Faites-vous plaisir. »
Il est 17 h 30 quand Éric Zemmour fait enfin son apparition, sur fond de musique de Blockbuster. Les drapeaux s’affolent, le public aussi. Sur scène, le candidat déroule ses antiennes, mélange de crispations identitaires et de victimisation personnelle. (...)
Des militants de SOS Racisme, venus dire « non au racisme de manière pacifique », comme ils et elles l’ont expliqué plus tard, sont sortis manu militari par le service de sécurité, sous l’œil des caméras et les coups de jeunes d’extrême droite prêts à en découdre. (...)
Sur scène, le candidat poursuit comme si de rien n’était. Il attaque les féministes, Emmanuel Macron, la droite d’opposition, les « écologistes devenus islamo-gauchistes ». Il balaie les critiques, sous les hourras de ses partisans. Lui fasciste parce qu’il tente de réhabiliter Pétain depuis des années ? « Ben voyons ! » Lui misogyne parce qu’il estime « que la virilité va de pair avec la violence, que l’homme est un prédateur sexuel, un conquérant », et alors que sept femmes l’accusent d’agression sexuelle ? « Ben voyons ! » Lui raciste parce qu’il ne cesse de cliver les Français selon leurs origines ? « Ben voyons ! »
Le reste de son discours est du même acabit. Éric Zemmour y présente une France rance, où l’étranger, l’autre, est responsable de tous les maux. Une France rabougrie sur elle-même, nostalgique d’un passé fantasmé, prisonnière d’un présent qui l’est tout autant. (...)
attise le spectre d’une guerre civile, répète les expressions « grand remplacement », « islamisation », « immigration de masse » et « insécurité permanente » comme un disque déjà rayé. Et prend un malin plaisir à électriser une foule qui n’avait vraiment pas besoin de cela.
Suite aux violences subies au meeting d'Éric Zemmour, mon collègue @Armelbaudet, notre employeur @Mediapart et moi-même avons déposé plainte ce lundi pour violences (des coups) et menaces (appel à "une ratonnade"). https://t.co/GQJR6x172a
— Célia Mebroukine (@celiamebroukine) December 6, 2021