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Peu à peu, le crime d’écocide s’impose dans le droit international
- Un nouveau droit pour la terre, pour en finir avec l’écocide, par Valérie Cabanes, éditions du Seuil, 364 p., 20 €.
Article mis en ligne le 7 octobre 2016
dernière modification le 4 octobre 2016

L’écocide désigne le crime de destruction de ce qui est nécessaire à l’humanité pour exister. Conçu dans les années 1970, il a pris un contenu juridique, afin de criminaliser la destruction des écosystèmes. La juriste Valérie Cabanes, porte-parole du mouvement End Ecocide on Earth (« arrêtons l’écocide planétaire »), se bat pour faire aboutir cette revendication à l’échelle internationale.

Il y a plus de 50 ans qu’on en parle ! Face à l’horreur, qui durait depuis 1961, des épandages de l’herbicide agent orange (fabriqué par Monsanto et Dow Chemical), au Vietnam et dans les zones frontières du Laos et du Cambodge par l’armée américaine, dont le but était de détruire les forêts qui abritaient les rebelles, l’activiste biologiste états-unien Arthur Galston lance le mot écocide. Sa première apparition officielle a lieu à Washington, en 1970 [1], lors de la Conférence sur la guerre et la responsabilité nationale, une conférence où Galston lance le projet de rédiger une convention des Nations unies bannissant l’écocide comme un crime de guerre. Olof Palme, Premier ministre suédois, reprend le mot à la conférence de Stockholm sur l’environnement humain, en 1972.

On en reparle dans les années 1980 à propos d’améliorations à la Convention de 1948 sur le génocide, avec la possibilité d’inclure, dans la notion de génocide, une destruction massive de l’environnement qui rendrait les conditions de vie des populations impossibles. Puis, de nouveau dans les années 1990, lors de la rédaction du Statut de Rome, avec le projet d’inclure, dans l’article 26, les crimes les plus graves contre l’environnement non seulement en temps de guerre, mais aussi en temps de paix. Quatre États refusent, dont la France !

En 2010, Polly Higgins, juriste britannique, propose à la Commission du droit international des Nations unies d’ajouter aux crimes déjà reconnus contre la paix [2], celui d’écocide. (...)

Il faut pouvoir poursuivre non seulement des entités morales au civil, mais aussi au pénal les personnes physiques responsables de catastrophes environnementales, y compris non intentionnelles. À cette fin, il faut amender le Statut de Rome pour que la Cour pénale internationale de La Haye puisse instruire le crime d’écocide en temps de guerre et en temps de paix. (...)

« Protéger des communautés de l’avidité des multinationales qui convoitent leurs terres et leurs ressources »

Un peu partout dans le monde, des groupes de travail réfléchissent aux moyens d’utiliser la justice pour contraindre les États à agir contre le changement climatique. Des victoires juridiques ont déjà été remportées. (...)

En décembre 2015, le collectif Notre Affaire à tous, dont fait partie Valérie Cabanes, a formulé auprès du gouvernement français une réclamation indemnitaire préalable, demandant un engagement ferme à réduire de 25 % à 40 % les émissions de gaz à effet de serre françaises, pour limiter le dérèglement climatique à 2 °C voire 1,5 °C suivant les engagements de l’accord de Paris sur le climat.
(...)

« Le mot écocide est désormais officiellement admis au Scrabble ! Ma grande satisfaction, dit Valérie Cabanes, c’est d’avoir déjà contribué à faire passer ce mot, et l’idée qu’il véhicule, dans le langage commun. Aujourd’hui, le mot est utilisé spontanément par les ONG, les politiques, les journalistes. Lorsque j’ai commencé, en 2012, ce n’était pas évident ! Je suis dans une lignée. Pour moi, c’est le chemin qui est important. J’ai semé une graine et elle prend racine. C’est déjà une victoire ! »